CHAPITRE V
LA VOIE VERS LA BEATITUDE5.1 La batitude humaine
5.1.1 Al-Kindī Al-Kindī (1) reprend l'ide de Platon que l'me humaine est une substance complte, immortelle, qui se distingue du corps comme le chevalier du cheval; "elle provient de la substance mme de Dieu comme un rayon de lumire du soleil". Sa batitude ici-bas consiste dans l'exercice de l'intelligence en matrisant les passions et en recevant les illuminations de Dieu ou des mes spares, au fur et mesure qu'elle est purifie. Etant seulement de passage dans ce monde, sa vraie batitude est de rejoindre le monde spirituel au del des sphres clestes o elle sera remplie de la lumire de Dieu et lui ressemblera. Mais toutes les mes n'atteindront pas ce monde spirituel tout de suite; celles qui ont des taches des passions devront rester dans la sphre de la lune et puis dans celle de Mercure et puis dans celle des toiles, jusqu' ce qu'elles soient compltement purifies. L elle est "dans la lumire du Crateur; elle y est proportionne (ṭābaqat), et elle y voit toutes choses clairement." (2)
Ici-bas la diversit des mes se manifeste aussi dans l'intensit de l'imagination et de l'intelligence en s'abstrayant des sens extrieurs et s'immergeant dans la pense, ce qui peut arriver dans l'veil aussi bien que dans le sommeil. C'est alors que les forts peuvent comprendre les vrits caches et faire de vraies prdictions pour l'avenir, en voyant les effets lointains dans leurs causes. (3) Tout cela dpend du degr de purification de l'me par rapport des passions comme la convoitise et la colre. (4)
5.1.2 Ar-Rāzī D'ar-Rāzī nous avons un trait complet sur l'thique, aṭ-Ṭibb ar-rūḥānī (la mdecine spirituelle), consacr aux vertus diverses, et un petit trait,as-Sīra al-falsafiyya, o il souligne la modration, rejetant l'asctisme extrme de Socrate. L'me doit se purifier par l'tude de la philosophie. Cette me jouira de la batitude aprs sa sparation du corps, mais l'me non purifie souffrira de la privation des plaisirs corporels auquels elle est habitue. (5)
5.1.3 Ibn-Masarra La batitude, selon Ibn-Masarra, consiste connatre Dieu le mieux qu'on peut par la raison ou la rvlation. Ceci nous rend prts pour la vision de son tre (kunh-hu) comme rtribution promise. Ceux qui ferment les yeux la vrit auront une fin malheureuse. (6)
5.1.4 Al-Fārābī Al-Fārābī dit que la batitude humaine consiste en la sparation de l'me par rapport la matire pour toujours (dā'iman abadan); ainsi elle s'lve au niveau de l'intellect agent. (7) L elle n'a plus besoin d'un corps. (8) Dans son tat de sparation, chaque me guarde son individualit cause de l'impression unique qu'elle a reu de son corps pendant sa vie terrestre. (9) Pour la mme raison, les mes ne peuvent pas transmigrer d'un corps un autre. (10) Aprs leur sparation du corps, les mes venant de la cit vertueuse se rjouissent de la compagnie des autres mes en ce mme tat, et l'arrive de chaque nouvelle me en leur compagnie marque un surcrot de joie. (11)
Mais les ignorants, qui ne sont pas sortis de leur condition de matrialit par la connaissance de la vrit, prissent leur mort comme les animaux. (12) Nanmoins, celles qui ont connu la vrit et s'en dtournent pour faire le mal sont dstines au chtiment ternel. De mme pour les hrsiarques qui garent le peuple; eux ils subiront un chtiment ternel, mais le peuple ignorant va tout simplement prir. Seuls les vertueux qui furent forcs de dvier par de mauvais dirigeants sont pargns. (13)
Dans son Ta`līqāt al-Fārābī remarque que l'me humaine n'est pas une forme matrielle, parce qu'elle n'est pas imprime dans la matire; (14) mais ailleurs dans le mme ouvrage il revient la position que l'me perfectionne par la connaissance qui dpasse l'imagination est uniquement capable de survivre et de recevoir l'manation de l'intellect agent, (15) et que l'me humaine est naturellement mortelle, mais qu'elle reoit la permanence par contact avec les intellects actifs. (16) pr ailleurs ad-Da`āwī al-qalbiyya dit que l'me de chacun est naturellement incorruptible et immortelle.
Quelles sont les vrits dont la connaissance est exige pour faire partie de la cit vertueuse et de la batitude ternelle? Al-Fārābī exige qu'on connaisse la Premire Cause, tout ce qui le caractrise, les tres spars de la matire et les caractristiques et activits propres de chacun d'eux jusqu' l'intellect agent, les caractristiques de chacune des sphres clestes, comment le processus de gnration et corruption des corps naturels rsulte en un ordre sage et planifi, la structure du corps et de l'me de l'homme et comment l'intellect agent agit sur lui, la structure de la cit vertueuse, et enfin la batitude ternelle. (17)
Dans un mot, c'est toute la philosophie, qui ne peut tre matrise que par une minorit infime de l'humanit. Mais al-Fārābī est pragmatique; il pourvoit une place pour les masses en disant que la connaisssance de ces choses par voie de similitude (tamthīl) suffit pour eux. C'est la tche du prince instruit par la philosophie ou par la rvlation de les instruire dans le droit chemin. (18)
D'autre part, quant la capacit de l'intellect humain de connatre les choses naturelles, al-Fārābī dit qu'il ne connat pas leurs vritables essences, mais seulement leurs proprits extrieures, qui ne sont pas les vraies diffrences spcifiques d'une dfinition. (19) Ailleurs il fait une distinction entre une dfinition essentielle des choses naturelles et celle par rapport aux proprits extrieures, sans poser le problme de la validit de l'une ou de l'autre. (20)
La philosophie et la rvlation concordent dans le fait que les deux proviennent d'une manation de l'intellect agent. Si l'inspiration de celle-ci touche le pouvoir imaginatif, elle rend l'homme prophte, tandis que si elle touche l'intellect elle le rend philosophe. (21)
5.1.5 Miskawayh Miskawayh enseigne que cette vie doit tre une recherche de la sagesse, qui entrane la modration entre excs et dfaut. La vraie sagesse est caractrise par une subtilit (dhihn) qui est le mode d'intelligence anglique, qui comprend instantanment sans passer pas par les chemins de raisonnement. (22)
La batitude en cette vie exige aussi la connaissance du monde physique, spirituel et divin. (23) La batitude est caractrise par l'unit et l'essor vers le monde intelligible, tandis que la misre est caractrise par la division et la descente dans le monde sensible. (24) Miskawayh rpond l'objection qu'un surmenage d'activit intellectuelle entrane la mlancolie. Il dit que ce n'est pas l'exercice de l'intellect qui apporte la "mlancolie", mais l'activit excessive de l'imagination. (25)
Miskawayh dcrit l'exprience d'un ravissement par l'intellect agent, quand une personne s'vanouit et meurt presque cause de ce plaisir parfait. (26)
La batitude dans la vie venir consiste dans la rception d'une manation divine (fayḍ), que chaque me reoit selon sa capacit diffrente. Un des plaisirs de l'me spare est la compagnie des mes semblables. Les malheureux sont ceux qui font obstacle cette manation. (27) Le dsir de la batitude future nous fait mpriser les plaisirs de ce monde et viter les obstacles que sont la convoitise et la colre. Toute description matrielle de la batitude future n'est que mtaphorique. (28)
5.1.6 Ibn-Sīnā Quant Ibn-Sīnā, pour lui le sort ternel de tous est ou bien la batitude (as-sa`āda) ou le malheur (shaqāwa). (29) La batitude aprs la mort consiste en la conjonction avec l'intellect agent, qui donne l'me sa perfection en lui communiquant l'illumination de l'manation divine. (30) Ainsi l'me spare n'a plus besoin du corps pour la connaissance, mais elle connat par son essence. (31) Ibn-Sīnā rejette la tendance moniste selon laquelle l'union avec l'intellect agent c'est devenir (ou se fusionner avec) l'intellect agent. L'me spare guarde son individualit. (32)
Dans cette vie, comme la perfection de l'me vient de l'infusion de l'intellect agent, (33) mme la prire (ṣalāt) s'adresse lui (et travers lui Dieu), et c'est par cetteṣalāt que l'intellect agent descend sur l'me. (34)
Etant donn le rle cosmique et gnral qu'Ibn-Sīnā accorde l'intellect agent, il n'est pas surprenant qu'il lui montre une dvotion qui nous apparat comme l'idolatrie. Mais dans son ad-Du`ā', il dirige sa prire vers Dieu en lui demandant de l'illuminer par l'intellect agent. (35) Ailleurs il recommande la dvotion aux anges, qui connaissent les dtails de ce monde par leur substance et dirigent ces dtails; les anges sont transparents l'un l'autre, et l'homme qui cherche apprendre la vrit et se purifier peut recevoir des communications de leur part. (36) Ainsi la Risāla fī tazkiya an-nafs contient une prire cosmique, demandant Dieu une infusion de sagesse par l'action des toiles, de Saturne, Mercure, Jupiter, et de l'intellect agent. (37) Ailleurs, Ibn-Sīnā recommande la modration et les pratiques du culte de Dieu prescrites par le Prophte. (38)
Les plus heureux sont ceux qui ont le plus dvelopp leurs intelligences en cette vie, ce qui suppose aussi que la raison avait domin sur leurs passions. Ceux qui ont conu un dsir de developper leur raison, mais s'en sont dtourn auront le plus grand malheur dans l'au-del. Ceux qui n'ont pas eu la moindre ide de la perfection humaine n'auront pas tellement de peine s'ils en sont privs dans l'au-del. (39) Les distractions de cette vie empchent l'me de voir sa vritable condition, et la joie de voir Dieu ou la peine d'en tre priv ne se ralisent qu'aprs la mort. (40) Souvent Ibn-Sīnā voque comment l'me sera heurte par la vrit quand elle se trouve dpouille du corps. (41)
Dans sa Risāla fī s-sa`āda, Ibn-Sīnā repte que la batitude vritable ne peut se trouver que dans la vie future. Pour dterminer ce que c'est la batitude vritable d'ici-bas, il suit la mthode d'Aristote de passer en revue toutes les sources possibles de batitude et en les liminant l'une aprs l'autre. (42) De mme en ar-Risāla al-aḥḍawiyya fī l-ma`ād, il explique qu'il y a toutes sortes de plaisirs corporels et spirituels de valeur bien ingale. Le vrai plaisir est de connatre Dieu, les nges, et la nature des choses clestes et terrestres. (43)
Et [ce plaisir] ne peut tre absolu ou obtenu que dans la vie ultime. Car la batitude dans cette-vie-l consiste en ce que l'me sera dpouille du corps et des traces de la nature et que son essence sera compltement spare, quand elle regardera avec un regard intellectuel l'essence de Celui qui a le rgne suprme, les esprits qui l'adorent, le monde suprieur et comment elle y est arrive. Le plaisir le plus grand est dans cela, tandis que le malheur ultime consiste dans l'oppos de cela. Comme cette batitude-l est la plus grande, ainsi ce malheur-l est-il le plus pnible. (44)
O se trouve exactement la ligne de sparation entre ceux qui sont destins au bonheur ou au malheur ternel? Ibn-Sīnā dit qu'il ne peut noncer qu'une approximation: 1) Ceux qui ont une ide gnrale de la structure du cosmos, comment tout coule du Premier Principe immatriel, et qui pratiquent la modration dans leur vie individuelle et sociale seraient qualifis pour la batitude. 2) Ceux qui n'ont pas une ide scientifique de l'ordre de l'univers, mais suivent les croyances religieuses sur ce sujet peuvent eux aussi atteindre la batitude. 3) Mais parmi ces deux premiers groupes il y en a qui avaient des dispositions contraires la contemplation de la vrit, ou un attachement immodr aux choses sensibles et mme pensent que les choses intelligibles et immatrielles n'existent pas. Ceux-ci parviendront la batitude ternelle, mais en passant par une souffrance temporelle aprs la mort. (45) Cela s'accorde avec le sentence des Sunnites [= les Ash`arites] qu"aucun Croyant, mme celui qui a commis de grands pchs, ne restera pour l'ternit [dans le Feu]." (46)
Ailleurs Ibn-Sīnā dit avec assurance que: 1) la premire classe de gens justement mentionne, qui sont les sābiqūn, muqarrabūn du Qur'ān 56:10, mritent d'entrer dans "le monde des intelligences". 2) Ceux qui manquent ou bien de la science ncessaire ou bien de la pratique correspondante iront dans "le monde des mes clestes", c'est--dire dans le paradis des joies sensibles dcrits dans le Qur'ān. Ceux-ci y resteront jusqu' ce qu'ils soient purifis; puis ils passeront au rang des premiers. 3) Ceux qui manquent des deux qualifications ncessaires entreront dans "le monde du corps", qui est la souffrance. (47) Les enfants et autres qui meurent sans la possibilit de dvelopper leurs intelligences n'auront ni joie absolue ni peine absolue, mais seront dans un tat moyen "entre le Paradis et le Feu". (48)
La Risāla fī `ilm al-akhlāq, parlant de la connaissance ncessaire pour la batitude, dit qu'on doit acqurir toutes les sciences mentionnes dans les livres d'numration des sciences (kutub iḥṣā' al-`ulūmcomme celui d'al-Fārābī et sa propre Risāla fī aqsām al-`ulūm al-`aqliyya). (49) Quant la perfection intellectuelle et morale ensemble, tel que l'on est dans la vie, ainsi en sera-t-il quand l'me sera spar du corps. (50)
Ainsi la perfection intellectuelle et la perfection morale sont toutes les deux requises pour la batitude ternelle, mais il y a des individus qui manquent de l'une ou l'autre.
Si l'me se contente avec la connaissance corrompue de ses croyances et qu'elle se spare du corps, elle rencontre le mal que nous avons mention. L'me humaine ne se sauve de cet tat de sa puissance [intellective] qu'aprs un stage pour apprendre les vrits avec la certitude de la science philosophique. Ainsi il est obligatoire de ne pas tre ngligent dans l'aquisition de la philosophie, qui sauve de la tromperie qui nuit l'essence de l'me rationnelle. (51)
Dans ar-Risāla al-aḥḍawiyya fī l-ma`ād, Ibn-Sīnā prsente six catgories d'mes dans la vie venir: (52)
- Les parfaites [quant l'intelligence] qui sont purifies des attachements sensibles, qui ont la batitude absolue.
- Les parfaites qui ne sont pas purifies, qui sont arrts par une barrire (barzakh) et sont tat d'attente temporaire avant de parvenir la batitude absolue.
- Les imparfaites purifies, qui ont embrass l'erreur et combattu la vrit; celles-ci souffriront ternellement.
- Les imparfaites purifies qui ont t dans l'erreur sans leur faute.
- Les imparfaites purifies qui n'ont connu ni la vrit ni l'erreur, comme les fous et les enfants. Ces deux dernires catgories n'auront ni la batitude absolue ni le malheur absolu, mais seront dans un tat moyen.
- Les imparfaites non-purifies, qui seront dans la misre ternelle si elles sont coupables de l'imperfection de leur intelligence; autrement elles seront dans l'tat moyen avec les souffrances provoques par leur manque de puret.
Il faut remarquer que la diffrence morale entre ceux qui suivent le juste milieu et ceux qui s'garent par excs ou par dfaut correspond une diffrence physique entre l'quilibre ou la manque d'quilibre des lments dont le corps est compos. (53) En principe, bonne complexion et beaut physique vont de pair avec un bon caractre, mais cette beaut peut tre endommage par des influences extrieures, et quelqu'un qui a la beaut physique peut choisir le mal et s'y habituer. (54)
Il faut noter aussi que, pour Ibn-Sīnā, l'acquisition de la batitude n'est pas tout simplement une oeuvre humaine. Le dveloppement intellectuel et moral, c'est d'abord un don de Dieu:
Les oeuvres qui proviennent [de l'me] sont acquises par la bont divine, puisque la perfection de toute chose advient par sa bont, et l'empchement de certaines choses d'arriver advient aussi par la bont de Dieu. Il donne librement, pourvu qu'une chose ne nuise pas ce qui est suprieur cette-chose-l; dans ce-cas-l, il est mieux d'empcher la chose. (55)Cela explique pourquoi travers les crits d'Ibn-Sīnā l'intellectualisme se mle au soufisme. (56) La Ta`līqāt explique le rapport entre l'effort humain et l'aide divine, toujours travers l'intellect agent:
Le rapport des bonnes oeuvres l'existence de la vertu est comme le rapport de la considration et des penses l'existence de la certitude. De mme que la considration et les penses ne causent pas l'existence de la certitude mais prparent l'me sa reception, ainsi les bonnes oeuvres prparent l'me recevoir la vertu d'auprs du donateur des formes. (57)La Risāla fī māhiyya al-`ishq place l'acquisition de la batitude dans le contexte du dsir naturel de toute chose, mme non-anime, pour sa perfection. Tout dsir naturel est bon, mais dans le cas de l'homme, les dsirs rationels doivent contrler les dsirs animaux, spcialement le dsir sexuel. (58) Les dsirs naturels sont le rsultat de la manifestation (at-tajallī) de la bont de Dieu. En donnant l'existence, Dieu donne en mme temps le dsir pour la perfection, qui est une certaine ressemblance (tashabbuh) lui. Ceux qui lui rassemblent le plus parfaitement sont les cratures intellectuelles. En atteignant leur perfection, ceux-ci sont des "mes divinises" ou "divines" (an-nufūs al-muta'allaha/ al-ilāhiyya). (59)
Il est clair que celui qui peroit le bien l'aime par nature. Il est aussi clair que la premire cause est aimable pour les intellects diviniss. Et quand les mes humaines ou angliques sont assez parfaites pour concevoir les choses intelligibles comme elles sont, elles ont une ressemblence l'essence du bien absolu, et leurs oprations sont en conformit avec les raisons intelligibles, caractrises par la justice. (60)
En utilisant ce langage soufique, voir chrtien, Ibn-Sīnā va jusqu' adopter le terme soufique "union" (ittiḥād) avec Dieu, qu'al-Ghazālī plus tard rejettera. (61)
La batitude ou le malheur de l'au-del ne sont pas des rcompenses adventices l'me, mais l'enlvement du voile qui cachait l'me elle-mme. Quand l'me se regarde sans obstacle, automatiquement elle acquiert l'tat de bonheur ou de malheur correspondant sa condition. (62)
Quelle place a la vision de Dieu dans la batitude? A la fin des deux rdactions de sa Risāla Ḥayy ibn-Yaqẓān Ibn-Sīnā soulve la question. Il semble parler de cette vie quand il dit que personne ne peut conevoir sa beaut et son excellence.
Sa bont est le voile de sa bont; son apparence est la cause de son invisibilit; sa manifestation est la raison pour laquelle il est cach, comme le soleil; s'il est un peu couvert, il est beaucoup plus manifeste, mais quand il brille il est voil, et sa lumire est le voile de sa lumire. Si ce Roi fait voir aux siens sa majest, il ne les empche pas de le rejoindre. Mais quand leurs facults [cognitives] s'approchent de lui sans le regarder, il leur accorde une infusion justement large, inondant ceux qui la reoivent, vaste en providence, universelle en donation. Si quelqu'un est tmoin d'une trace de sa beaut, il ne peut pas dtourner son regard de lui un seul instant. (63)Dans ces textes Ibn-Sīnā donne l'impression que Dieu est trop lev pour qu'on puisse le voir. Mais l'intellect agent est proportionn l'homme et dans la communion avec lui l'homme peut trouver sa batitude ternelle. Ce n'est qu'en son ouvrage tardif, ar-Risāla al-aḥḍawiyya fī l-ma`ād, qu'il insiste que le plus grand plaisir dans la vie future est la vision de Dieu. (64)
En quoi consiste le malheur ternel? Ce n'est pas le feu corporel, mais d'abord c'est la distance du Crateur qui provient de la condition de l'me. Deuximement, c'est la frustration du dsir grav dans l'me pour les plaisirs corporels qui manquent. (65) Selon ceux qui maintiennent que l'me spare garde le pouvoir imaginatif ou estimatif, l'me spare peut exprimenter, par sensation fantme, tous les chtiments ou tous les plaisirs physiques dcrits dans le Qur'ān; cela est la ralit du "chtiment ou rcompense dans le tombeau" et de la rsurrection corporelle. (66) Pour viter le chtiment des pchs commis dans cette vie, Ibn-Sīnā recommande simplement d'viter ces pchs. (67)
Dans la Risāla fī ithbāt an-nubuwwāt, le feu ou l'enfer c'est le monde des sens extrieurs, et le paradis c'est le monde des intelligibles. Le passage sur le sirāṭ, dans l'eschatologie du Ḥadīth, c'est le dur travail de l'me pour passer des sens extrieurs l'imagination, la puissance estimative, la cogitative et enfin l'intelligence. (68)
5.1.7 Ibn-Gabirol Dans une brve discussion sur la batitude, Ibn-Gabirol dit qu'elle consiste en la connaissance du monde divin. Celle-ci est rendue possible par l'entendement pralable du monde de la matire et de la forme, et puis par la connaissance de la Volont. Le rsultat de cette fuite du sensible l'intelligible est d'chaper la mort et de joindre la source de la vie (maqr ḥayyīm). (69)
5.1.8 Ibn-Bājja Ibn-Bājja distinque divers niveaux de l'humanit: d'abord les masses qui sont domines par la connaissance sensible. Ensuite il y a les connaisseurs de la science de la nature, qui voient l'intelligible dans le sensible. Enfin il y a les hommes bienheureux qui voient directement ce qui est intelligible de soi, comme le soleil, ce qu'Ibn-Bājja explique par l'allgorie de la caverne de Platon. Dans ce cas-l ils deviennent la lumire elle-mme, ce qui doit signifier une identification ontologique avec l'intellect agent. (70) Cela ce ralise dans une tape prliminaire par l'acquisition de la mtaphysique, mais parfaitement quand on quitte le corps. Dans cet tat on rencontrera tous ceux qui venaient avant ou aprs dans cette vie, parce qu'ils seront tous numriquement un. (71)
Le sort final des deux premires catgories serait entendre selon al-Fārābī, qu'Ibn-Bājja aime si souvent citer.
5.1.9 Ibn-Ṭufayl Pour la vie future, Ibn-Ṭufayl fait une rapide distinction entre ceux qui ne connaissaient pas Dieu en cette vie; ceux-l n'auront aucun dsir pour lui et ne souffriront aucune peine de l'avoir perdu. Ceux qui l'ont connu mais ont suivi leurs passions souffriront de la perte de Dieu, au moins pour une priode de purification. Ceux qui l'ont connu et l'ont cherch dans cette vie auront la joie de le contempler. (72) Ces distinctions ne sont pas cohrentes avec la ngation de la survie individuelle exprime ailleurs. Dans le contexte elles semblent tre simplement une rcitation des ides communes dans la commuaut musulmane.
Dans cette vie on est oblig de s'occuper des ncessits du corps, mais le but principal de la vie humaine est la contemplation de Dieu et d'acqurir la similitude de ses attributs. (73) On est oblig aussi, comme les esprits clestes, de participer la providence de Dieu pour les cratures infrieures. Ainsi Ḥayy ibn-Yaqẓān s'occupe de la conservation de la nature, venant au secours des animaux et des plantes. (74)
5.1.10 Ibn-Rushd La batitude de l'homme en cette vie, pour Ibn-Rushd, se ralise par la conjonction avec l'intellect agent. (75) Selon l'Epitre sur la possibilit de la conjonction avec l'intellect agent, cela peut se raliser parce que l'intellect matriel est ternel et "l'ternel peut comprendre l'ternel". (76)
Comme aux formes lmentaires de la matire premire est jointe une deuxime disposition recevoir les formes des composs, ainsi l'actualisation de ces formes est jointe une troisime disposition recevoir l'me nutritive; la ralisation ce celle-ci est jointe une quatrime disposition recevoir des formes sensitives; la ralisation de celle-ci est jointe une cinquime disposition recevoir des formes imaginaires et une sixime disposition recevoir les intelligibles spculatifs; ainsi il est ncessaire qu' celles-ci soit jointe une septime disposition [ la conjonction avec les substances spares]. (77)Cette disposition se ralise par l'actualisation de l'intellect matriel par l'tude et non par le ṣūfisme; ainsi il devient un intellect "spculatif" ou "acquis". L'tude doit tre accompagne par l'action: la purification de l'me de ses passions par la prire, le jene et le silence. (78)
Mais toute cette prparation, si laborieusement atteinte, doit se corrompre et disparatre au moment de la conjonction directe avec l'intellect agent, "comme un corps combustible devant le feu qui le transforme dans sa propre nature". (79) Alors l'intellect matriel jouira de la condition de vie de l'intellect agent, sans altration ou corruption. (80) Il faut bien comprendre le sens de cette "conjonction" ou "continuit" (ittiṣāl) qui a un sens trs prcis dans la philosophie d'Aristote et d'Ibn-Rushd. C'est, pour deux choses, d'avoir leurs extremits non pas touchant, mais devenus une; c'est une vraie union(ittiḥād) dans un seul tre. (81)
L'objet de l'intelligence devient le connaissant, et alors l'intellect, l'objet de l'intelligence et le connaissant seront une seule et mme chose, tant transforms dans l'essence et la dignit de l'intellect agent. L'intellect matriel comme intellect, l'intellect matriel comme connaissant, et l'intellect agent comme connu seront selon ces trois aspects un seul tre et trois dispositions... Les trois intellects sont transforms en un tre divin. (82)Cette flicit doit se raliser en cette vie. Ibn-Rushd critique al-Fārābī pour en avoir ni la possibilit parce que cette union serait entre le corruptible (l'intellect matriel) et l'incorruptible (l'intellect agent), et aussi parce qu'il devenait vieux sans l'exprimenter. (83) Aprs cette vie il y aura ou bien "la non-existence perptuelle ou la peine perptuelle". (84) Ibn-Rushd ne restreint pas ces mots une catgorie dtermine d'hommes, mais il semble faire cho Ibn-Bājja en parlant du sort de ceux qui n'arrivent pas la conjonction avec l'intellect agent, tandis que ceux qui y parviennent, comme il enseigne dans le Tahāfut, auront une immortalit mais non personnelle.
Dans la premire question de son Tahāfut at-Tahāfut Ibn-Rushd suppose que l'me est immortelle mais, contre Ibn-Sīnā, il nie son individualit, pour deux raisons. La premire est que, si le monde a toujours exist, on devrait avoir une infinit d'mes spares, mais une infinit actuelle est impossible; d'ailleurs ces mes puiseraient la terre limite pour la matire de leurs corps. La deuxime est que la forme de l'me est la mme pour tous les hommes et elle ne se distingue que par la matire; si on enlve la matire il n'y aura plus de distinction, mais une seule me spare. (85)
Dans ce contexte, on voit que par "l'me" Ibn-Rushd veut dire "intellect", puisque il dit clairement ailleurs que "ce que l'homme est par son essence un intellect." (86) L'me, en tant que forme, est insparable du corps, (87) et tous ses pouvoirs sensitifs, y compris l'imagination ou l'intellect matriel, sont corruptibles. (88)
Ainsi, en dpit d'une certaine obscurit des textes, on peut conclure que selon le commentaire moyen sur le De Anima, il n'y a ni intellect agent ni intellect possible personnel, ni mme un intellect possible commun et unique, mais tous les hommes partagent un seul intellect unique et ternel, l'intellect agent. Celui-ci est une substance spare de l'me, qui connat tout et qui est vraiment celui qui connat quand on attribue la connaissance quelqu'un. Ce qui est personnel chaque homme c'est une inhabitation ou similitude rayonne de cet intellect, correspondante aux phantasmes diffrents de l'imagination de chacun. Cette similitude, qu'elle soit dans l'tat d'intellect matriel ou intellect habituel ou intellect en acte, est corruptible, comme l'me qui est la forme substantielle du corps; les deux disparaissent avec le corps.
Dans son sommaire (Talkhīṣ) de laRisāla al-ittiṣāl d'Ibn-Bājja, qu'il ajouta une nouvelle dition de son petit commentaire sur leDe Anima, aprs la composition du grand commentaire, Ibn-Rushd loue l'oeuvre d'Ibn-Bājja. Il explique les dgrs de savoir proposs par Ibn-Bājja, disant que le degr le plus bas est la connaissance sensible, propre aux masses du peuple (jumhūr). Le degr suivant est la mathmatique, qui est abstraite et loigne de la ralit individuelle(al-ashkhāṣ). Le degr suivant est la science de la nature, qui est plus proche de la ralit, mais loigne en tant qu'elle est universelle. Le suprme degr est la mtaphysique, qui tudie la ralit des substances spares qui sont la fois individuelles et intelligibles. (89)
Ibn-Rushd considre ensuite l'objection que la connaissance mtaphysique dpend des principes (muqaddimāt) tirs de la science physique et que cette connaissance n'est intelligible que par rapport et analogie (bi-l-munāsaba wa-l-muqāyasa) avec des choses matrielles. Il rpond que cette dpendance sur la science physique est accidentelle (iḍāfa), et c'est par la voie de ngation(salb) qu'on progresse petit petit, partir de la connaissance de l'me humaine, vers un entendement pur et immobile de Dieu et des substances spares. Ainsi la conjonction avec l'intellect agent est une perfection non physique ou naturelle (ṭabī`ī) mais divine(ilāhī), qui fait de l'homme ainsi perfectionn un compos du prissable(fāsid) et de l'ternel(azalī).
Dans leTahāfut Ibn-Rushd fait des spculations sur l'tat de l'me spare, disant que la mort est comme le sommeil, en tant que dans les deux cas l'me est en action sans organe. (90) Evitant de se prononcer clairement sur sa position, il cite l'opinion de certains partisans d'Ibn-Sīnā qui dfendent la multiplicit des mes spares par la supposition qu'elles ont quelque matire subtile; elles seraient alors comme les jinn. (91) Dans la supposition que la rsurrection du corps est possible et vraie, Ibn-Rushd loue al-Ghazālī pour sa position que dans la rsurrection le corps n'est pas de la mme matire laisse la mort. (92) Comme les autres philosophes, Ibn-Rushd prend les descriptions qur'āniques des plaisirs corporels du ciel comme figures des vrais plaisirs spirituels; les punitions corporelles de l'enfer sont aussi symboles d'une souffrance de l'me. (93)
Dans tous ces textes, il n'y a pas de fondement pour dire qu'Ibn-Rushd croit l'immortalit personnelle, (94) mais dans cette question il suit le chemin trac par Ibn-Bājja. C'est seulement dans son al-Kashf `an manāhij al-adilla, discutant la question de la rsurrection, qu'Ibn-Rushd semble prendre une autre position. Il tablit d'abord que la batitude humaine consiste dans l'acte d'intelligence, avec les vertus thoriques et pratiques. Puis il dit:
Aprs la mort les mes seront dpouilles des convoitises corporelles. Mais si elles ont t pollues, leur sparation ajoutera leur salet, parce qu'elles souffriront des pchs (raḍā'il) qu'elles ont acquis. Et l'chec qu'elles ont expriment par leur manque de purification sera intensifi quand elles seront spares du corps, parce qu'elles ne peuvent rien acqurir sinon avec ce corps. (95)Ibn-Rushd propose trois voies que les diverses religions tracent en essayant de dcire la vie future:
Ibn-Rushd se satisfait que ceux qui proposent cette opinion n'exigent pas que dans la rsurrection l'me reprenne la mme matire qu'elle avait laisse la mort. (96)
- que la vie future est du mme type que celle d'ici-bas (avec des plaisirs corporels), mais qu'elle est permanentel'opinion de la majorit des musulmans,
- que la vie future est spirituelle, et que sa reprsentation sensible dans le Qur'ān est allgoriquel'opinion des philosophes, et
- que la vie future est corporelle, mais qu'elle est compltement diffrente de cette vie, parce que l nous serons incorruptibles et nous n'aurons pas de mtabolisme ou de nutrition ou de gnration, de sorte que "entre cette vie et la vie future il n'y a que des noms qui sont communs," comme disait Ibn-`Abbās.
Ibn-Rushd a crit al-Kashf `an manāhij al-adilla pour dmontrer que, tout en tant philosophe, il est un musulman authentique. Il loue toutes les expressions qui se trouvent dans le Qur'ān comme la meilleure faon de guider les masses, mais il est clair que lui-mme penche vers une interprtation allgorique des rcits de la rsurrection. Son acceptation de l'immortalit de l'me ne contredit pas son enseignement sur l'unicit de l'intellect de tous ceux qui meurent dans un tat de perfection. Le sort diffrent des non-parfaits s'accorde avec ce qu'il dit dans l'Epitre sur la possibilit de la conjonction avec l'intellect agent, que le malheur de ceux-ci est en effet l'anantissement.
5.1.11 Moshe ben Maimon Le but de l'homme, pour Moshe ben Maimon, est de se dvelopper dans la ressemblance (tashabbuh) de Dieu. (97) La batitude dans cette vie est de reevoir l'manation (fayḍ) de Dieu et des anges, particulirement sous la forme de rves, qui constituent un soixantime de la prophtie. (98) Moshe ben Maimon considre la matire comme le facteur qui entrane l'homme ver le bas; ainsi les dsirs pour les choses matrielles comme l'alcool et le sexe sont opposs la vie par l'intelligence et par la connaissance des substances spares. (99) Ainsi le mal moral est la consequence de l'ignorance ou du manque de la connaissance du Seigneur. (100)
La loi morale dans le Torah est guide par la sagesse et non seulement par la volont arbitraire de Dieu. Nanmoins chaque dtail de la Loi ne peut pas se justifier par la raison. (101)
5.1.12 Thomas d'Aquin Pour Thomas d'Aquin, la perfection de la vie humaine est de connatre Dieu. (102) Puisque cette connaissance n'est pas possible ni par la philosophie, ni par la foi, ni par l'inspiration des intelligences spares, elle n'est pas possible l'homme en cette vie. (103) Mme dans la vie future, la vision de Dieu ne peut tre acquise en connaissant les anges ou autres mes spares, mais Dieu seul peut la donner. Cela se fait par une adaptation de l'me pour voir Dieu, qu'on appelle la gloire. (104) Cette vision n'est pas totale, mais elle est disponible chaque me la mesure de sa capacit. (105)
5.2 La cit des vertueux
Pour Ibn-Masarra, la socit humaine est, comme le monde de la nature, hirarchique. En dessous Dieu, les prophtes, les savants religieux(`ulamā') et les philosophes(ḥukamā') correspondent l'me humaine. Les rois et les autres diregeants correspondent l'me animale, et les ouvriers correspondent l'me vgtative. (106)
Pour al-Fārābī, une condition du dveloppement humain en prparation la batitude ternelle est ce qu'al-Fārābī appelle "la cit vertueuse" (al-madīna al-fāḍila). Celle-ci, avec sa structure hirarchique, est un mirroir de la hirarchie cleste. (107) Fonde par le roi-philosophe, qui peut tre un prophte, elle continue sous la direction d'un roi sage. (108)
Aussi pour Ibn-Sīnā, le prince ou vrai roi doit tre dou d'une intelligence parfaite et des vertus morales. (109)
Ibn-Rushd exprime ses ides dans un commentaire sur La Rpublique de Platon, o il parle du roi-philosophe.
Quant Thomas d'Aquin, il soutenait, comme al-Fārābī, que l'ordre de l'univers est hirarchique, avec une hirarchie cleste et une hirarchie terrestre. Comme les anges suprieurs illuminent les infrieurs, les hommes dous d'une plus grande intelligence doivent illuminer et diriger les autres, et l'homme dirige les tres infrieurs lui. (110)
5.3 La prophtie
5.3.1 Al-Fārābī Comme on a vu, pour al-Fārābī la connaissance humaine consiste en la rception des formes intelligibles de l'intellect agent. La prophtie, alors, n'est qu'un niveau extraordinaire de la mme rception de l'intellect agent.
5.3.2 Ar-Rāzī Puisque tous sont crs avec la capacit d'apprendre toutes les vrits sur Dieu par la philosophie, ar-Rāzī dit que les prophtes ne sont pas ncessaires, et ceux qui prtendent tre des prophtes sont des imposteurs. On va revenir la position d'ar-Rāzī dans le chaptre prochain.
5.3.3 Miskawayh Le prophte, pour Miskawayh, occupe le sommet de la hirarchie humaine qui s'tend de ceux qui sont dous de la plus grande subtilit d'intelligence jusqu'aux noirs d'Afrique (zanj) qui vivent presque comme des btes. (111)
Le philosophe et le prophte ont la mme connaissance, mais le prophte la reoit sans effort. (112) La divination (kahāna) n'est que la conjecture astrologique. (113)
5.3.4 Ibn-Sīnā Sur la prophtie, dans ash-Shifā' Ibn-Sīnā remarque que certains intellects sont exceptionellement prpars recevoir les manations de l'intellect agent; Ibn-Sīnā appelle un tel intellect "intellect saint" (`aql qudsī); c'est une sorte de prophtie, c'est mme la plus haute des puissances de prophtie. (114)
Discutant la prophtie plus tard dans Aḥwāl an-nafs, Ibn-Sīnā prend comme point de dpart le dterminisme absolu de toutes choses par l'intermdiaire des intelligences spares et des corps clestes. Le prophte est quelqu'un qui peut se mettre en rapport avec ces intelligences spares. Il le peut parce qu'il en a la disposition naturelle dans son imagination. Il y a des divers niveaux d'hommes:
Parfois mme les fous peuvent connatre les choses caches, parce que leur imagination les aline parfois de la sensation extrieure et leur permet de reevoir l'influence d'en-haut. (115)
- ceux qui reoivent des inspirations lgres qui deviennent vite confuses ou oublies;
- d'autres reoivent des inspirations stables sans autre consquence;
- d'autres reoivent des inspirations stables et plus puissantes, qui les poussent les exprimer aux autres; c'est la prophtie son minimum;
- d'autres prophtes retiennent ce qu'ils ont reu sans jamais en tre distraits;
- enfin il y a des prophtes qui en plus de cela peuvent continuer travailler dans les choses pratiques sans prjudice leur exprience prophtique.
Dans sa Risāla fī ithbāt an-nabuwwāt, un ouvrage tardif, Ibn-Sīnā place la prophtie dans l'chelle entre l'intellect agent et l'intellect matriel. L'intellect agent a l'acte d'intelligence par essence; les autres intellects l'ont comme un accident. De mme que l'intellect habituel est suprieur l'intellect matriel, l'intellect perfectionn est encore suprieur. Mais l'intellect qui est perfectionn par l'intermdiaire du raisonement est infrieur celui qui est perfectionn par une infusion directe de l'intellect agent. Ce dernier est le prophte. (116)
Quelqu'un est prophte si son intelligence est suprmement dveloppe et qu'il peut saisir beaucoup tout d'un coup. Cela est cause de son pouvoir d'intuition (ḥadas), mais surtout parce qu'il est ouvert aux influences des esprits clestes. (117) C'est exactement ce que Thomas d'Aquin appelle "la prophtie naturelle". (118) Ibn-Sīnā explique cette ide dans al-`Ilm al-ladunī:
Selon sa providence Dieu s'approche de cette me-l d'une faon gnrale, et il la regarde avec un regard divin. Il fait de cette me son tableau, et de l'me universelle [= l'intellect agent] sa plume. Et il inscrit en elle tout ce que cette me universelle connat. Ainsi l'intellect universel devient comme l'instituteur, et l'me sainte comme l'tudiant, qui ainsi acquiert toutes les sciences et en elle sont inscrites toutes les formes sans tudier et sans penser. (119)Dans son ar-Risāla al-`arshiyya, Ibn-Sīnā dfinit la locution (kalām) de Dieu ainsi:
Les sciences sont infuses par lui dans le tableau du coeur du Prophte.. par moyen de la "Plume Graveur" (al-qalam an-naqqāsh) qui est aussi connue comme l'intellect agent et le roi qui s'est fait proche (al-malik al-muqarrab). (120)Dans son Risāla al-fi`l wa-l-infi`āl il prcise:
La dfinition de la rvlation (waḥy) c'est la communication(ilqā') secrte de l'intellect agent(al-amr al-`aqlī), par la permission de Dieu le Trs-Haut, aux mes humaines qui sont prpares recevoir cette communication, ou bien dans l'tat d'veilet elle est appele rvlation ou bien dans le sommeilet elle est apelle inspiration de l'me(nafath fī r-rū`). (121)Il continue d'expliquer, d'aprs les Mutakallimūn, comment la rvlation faite un prophte est vrifie par des miracles (mu`jizāt), mais ceux qui reoivent l'inspiration (ilhām) ne peuvent faire que des merveilles (karāmāt). Dans Risāla fī bayān al-mu`jizāt wa-l-karāmāt wa-l-a`ājīb Ibn-Sīnā explique que ceux-ci sont possibles parce que les mes pures peuvent influencer la matire extrieure. De mme Ibn-Sīnā fait rfrence au pouvoir de l'oeil, selon la croyance trs rpandue dans le monde musulman de son temps et bien aprs. (122)
La prophtie n'est pas une communication directe et intelligible, mais elle passe par l'imagination, selon le verset qur'ānique: "Il n'a pas t donn un mortel qu'Allāh lui parle, sinon par des signes rvlateurs, ou comme derrire un voile, ou en envoyant un messager tel que celui-ci rvle ce qu'Il veut avec Sa permission" (42:51).
Et aussi longtemps que l'homme est dans ce monde il ne peut pas chapper au "mal du Tentateur furtif" (Q 114:4), que Dieu a fait dominer sur lui. L'imagination c'est Iblīs qui refusa de se prosterner devant [Adam], le lieutenant de Dieu et son me, quand les anges de toutes les puissances le firent (cfr. Q. 2:34). C'est pour cela que tout ce que l'intellect juge propos des choses abstraites de la matire, l'imagination le dteste... Le Lgislateur [Muḥammad] dit: "Il n'y a personne parmi vous qui n'ait pas un Satan." (123)
Ici Ibn-Sīnā ne tire pas la conclusion de la possibilit d'erreur dans la prophtie. Il semble dire tout simplement que l'imagination sert comme moyen de la prophtie, mais elle s'oppose parfois la pure vrit.
Dans les Ta`līqāt, au contraire, l'illumination prophtique vient d'abord l'intellect tout d'un coup, dans une ide globale; ensuite elle passe l'imagination o elle devient une composition audible. (124)
Ibn-Sīnā accepte la distinction classique des Mutakallimūn entre un prophte (nabī) et un messager (rasūl), ce dernier, en plus de recevoir un message, a la tche de le communiquer (tablīgh). (La distinction dans le vocabulaire qur'ānique est que "prophte" s'applique aux prophtes bibliques, et "messager" aux prophtes arabes. (125)) Mais il ajoute que le messager reoit son message prcisment de l'intellect universel [= l'intellect agent], tandis que le prophte le reoit de l'me universelle [= celle de la lune]. Le rapport entre cette me et l'intellect universel est comme le rapport entre Eve et Adam. De l'intellect universel provient la rvlation (waḥy), tandis que de l'me universelle ne vient que l'inspiration(ilhām). Les Ṣūfīs participent aussi l'inspiration, qui continue aprs la clture de la rvlation avec Muḥammad. (126)
5.3.5 Ibn-Ṭufayl La prophtie, selon Ibn-Ṭufayl, est la rception parfaite de l'manation de l'esprit ou intellect qui provient de Dieu. Qui est cet esprit, nous en avons discut au chapitre 4.
5.3.6 Ibn-Rushd Quant la prophtie, dans leTahāfut, Ibn-Rushd remarque que la science divine (ou la mtaphysique) est si merveilleuse que quelques-uns l'attribuent auxjinns, mais d'autres aux prophtes. Il cite Ibn-Ḥazm selon qui l'existence de cette science est la meilleure indication de l'existence de la prophtie (127)avec l'implication que la philosophie ne differt pas essentiellement de la prophtie.
Ailleurs il remarque que la rvlation (shar`) peut suppler la raison, mais il faut bien distinguer entre ce qui surpasse la raison absolument et ce qui la surpasse relativement certaines gens, ou par nature (fiṭra) ou par le manque d'ducation. (128)
En tout cas, Ibn-Rushd dfend la prophtie de Muḥammad, tablie par le miracle du Qur'ān qui, pour Ibn-Rushd, consiste dans sa sagesse thorique et pratique. (129)
5.3.6 Moshe ben Maimon Moshe ben Maimon cite trois opinions sur les candidats de la prophtie: (1) L'ide populaire que n'importe qui, qu'il soit ignorant ou mauvais, peut devenir prophte, pourvu qu'il devienne bon. (2) Les philosophes disent que la prophtie ne vient qu' ceux qui ont une intelligence suprieure, et par la ncessit. (3) Mais la tradition juive est que la prophtie est donne des personnes suprieures, mais non ncessairement; Dieu agit quand et o il veut. (130)
Le prophtisme consiste en l'attachement de l'me l'Intellect agent, et elle s'active par des visions ou des rves. Celle-ci requiert la meilleure disposition (mazāj) de l'imagination. Si la prophtie est morte maintenant, on attend son retour aux jours du Messie. (131)
Les niveaux diffrents de l'manation divine produisent divers dons: Quand elle vient l'intellect seul, elle rsulte en des savants qui se perfectionnent eux-mmes et perfectionnent les autres. Quand elle vient l'intellect et l'imagination ensemble, elle rsulte en des prophtes, qui eux aussi se perfectionnent eux-mmes et perfectionnent les autres. Quand elle vient l'imagination seule, elle rsulte en des dirigeants civiques, des prtres et autres animateurs moraux.
Les vrais prophtes se caractrisent par une bonne vie et par la bravoure. Les faux prophtes s'garent dans des visions imaginaires et des rves, et se donnent la jouaissance, surtout avec des femmes. (132)
Il y a des degrs de la prophtie: (133)
- quand un prophte fait une grande oeuvre salvifique sous l'inspiration divine
- quand un esprit parle travers lui en tat de veille
- quand le prophte voit une parabole (mathal) dans un rve et la comprend
- quand il coute la parole de Dieu dans un rve sans savoir qu'elle est de Dieu
- quand il entend une personne lui parlant dans un rve
- quand il entend un ange lui parlant dans un rve
- quand il voit Dieu
- quand il voit une vision en tat de veille
- quand il coute Dieu lui parlant dans un rve
- quand il voit une personne lui parlant dans une vision
- quand il voit un ange lui parlant dans une vision
Bien que le message prophtique soit le plus souvent sous la forme de paraboles, le Torah est la vrit pure. (134)
5.3.8 Thomas d'Aquin Contre la tendance des philosophes arabes reduire la prophtie un phnomne tout fait naturel chez ceux qui sont minents en intelligence, Thomas d'Aquin tient que la prophtie vridique est un don purement gratuit hors du contrle du prophte, qui ne peut pas l'exercer n'importe quand il veut. Comme don, elle n'a rien voir avec l'intelligence naturelle du prophte, mais l'adaptation de son intelligence recevoir l'illumination divine est un don surnaturel. (135)
1. Dans sa Risāla fī l-qawl fī n-nafs al-mukhtaṣar min kitāb Arisṭū wa-Flāṭun wa-sā'ir al-falāsafa.
2. Ibid.
3. Cfr. Risāla fī māhiyya an-nawm wa-r-ru'yā.
4. Risāla fī l-qawl fī n-nafs al-mukhtaṣar min kitāb Arisṭū wa-Flāṭun wa-sā'ir al-falāsafa.
5. Aṭ-Ṭibb ar-rūḥānī, section 2; cfr. Abū-Ḥātim ar-Rāzī, al-Munāẓarāt.
6. Risāla al-i`tibār, pp. 72-73.
7. Mabādi' ārā', 23, as-Siyāsa al-madaniyya, 32:8.
8. Cfr. Risāla fī l-`aql, n. 45-46.
9. Mabādi' ārā', 29 (p. 64).
10. Ta`līqāt, n. 32.
11. as-Siyāsa al-madaniyya, p. 82.
12. Mabādi' ārā', 32 (p. 67); as-Siyāsa al-madaniyya, 82:16; Risāla fī ithbāt al-mufāraqāt.
13. Mabādi' ārā', 32 (p. 68).
14. Ta`līqāt, n. 31.
15. Ibid., n. 51.
16. Ibid., n. 54.
17. Mabādi ārā, ch. 33., 33; cfr. Falsafa Arisṭūṭālīs, 1:3, pp. 68-69.
18. Mabādi ārā, ch. 33.
19. Ta`līqāt, nos. 6, 48, 84; cfr. Iḥṣā' al-`ulūm, ch. 4, pp. 114-115.
20. Falsafa Arisṭūṭālīs, 3, pp. 85-90.
21. Mabādi' ārā',, 25 & 27.
22. Waṣiyya, pp. 191-194.
23. Al-Fawz al-aṣghar, pp. 96-97.
24. Ibid., pp. 88-89.
25. Maqāla fī n-nafs wa-l-`aql, pp. 59-57, 48-47.
26. Risāla fī l-ladhdhāt wa-l-ālām, p. 67.
27. Al-Fawz al-aṣghar, pp. 104-106.
28. Ibid., pp. 106-110.
29. ar-Risāla al-aḥḍawiyya fī l-ma`ād, p. 189.
30. Mabḥath `an al-quwā n-nafsānsiyya, ch. 10; Risāla fī l-kalām `alā n-nafs an-nāṭiqa; Kitāb an-nukat wa-l-fawā'id fī l-`ilm aṭ-ṭabi`ī, p. 168.
31. Al-Ishārāt, namaṭ 7, faṣl 1-2.
32. Ibid., namaṭ 7, faṣl 9-12.
33. Cfr. an-Nukat wa-l-fawā'id fī l-`ilm aṭ-ṭabī`ī, pp. 166-169.
34. Cfr. Risāla aṣ-ṣalāt, pp. 11-12.
35. >P. 297.
36. Cfr. Risāla fī s-sa`āda, p. 20.
37. Pp. 393-394.
38. Ar-Risāla al-aḥḍawiyya fī l-ma`ād, p. 207.
39. Aḥwāl an-nafs, ch. 15; Maktūb Abī-s-Sa`īd ilā sh-Shaykh wa-jawābu-hu.
40. `Uyūn al-ḥikma, 53; an-Nukat wa-l-fawā'id fī l-`ilm aṭ-ṭabī`ī, 164-165; ar-Risāla al-aḥḍawiyya fī l-ma`ād, pp. 201-207; Ta`līqāt, p. 81.
41. Ta`līqāt, pp. 23-24 et ailleurs.
42. Pp. 2-5.
43. Pp. 191-201.
44. Ibid., p. 205.
45. Ahwāl an-nafs, ch. 15; cfr. aussi Jawāb sitt `ashar masā'il li-Abī Rayḥān, n. 3, p. 3; pour la non-croyance aux intelligibles voir Ta`līqāt, p. 32 et ailleurs.
46. Risāla fī s-sa`āda, p. 17.
47. Risāla fī ma`rifa an-nafs an-nāṭiqa wa-aḥwāli-hā, ch. 3 & khātima.
48. Risāla fī s-sa`āda, p. 16.
49. P. 115.
50. Ibid., p. 123.
51. Risāla fī s-sa`āda, p. 18.
52. Pp. 209-213.
53. Risāla fī l-kalām `alā n-nafs an-nāṭiqa.
54. Risāla fī māhiyya al-`ishq, p. 19.
55. Risāla fī s-sa`āda, p. 19.
56. Parmis les autres ouvrages, voir la petite Risāla fī l-ḥathth `alā dh-dhikr.
57. P. 37.
58. Pp. 15-17.
59. Pp. 21, 27 etc.
60. P. 23.
61. P. 25.
62. Aḥwāl an-nafs, ch. 15; cfr. aussi Mabḥath `an al-quwā n-nafsāniyya, ch. 10.
63. Dans Jāmi` al-badā'i`, p. 113; cfr. al-`āṣī, at-Tafsīr al-Qur'ānī wa-l-lugha aṣ-ṣūfiyya, p. 335.
64. Pp. 89-91.
65. Kalimāt aṣ-ṣūfiyya, p. 167; Risāla fī s-sa`āda, pp. 16-17; Risāla fī l-mawt, p. 382.
66. Ar-Risāla al-aḥḍawiyya fī l-ma`ād, pp. 223-225; cfr. Risāla fī ithbāt an-nabuwwāt, 55-57.
67. Risāla fī l-mawt, p. 382.
68. Pp. 58-59.
69. Maqr ḥayyīm, 5:73-74.
70. Ittiṣāl al-`aql bi-l-insān, pp. 167-169.
71. Risāla al-wadā`, p. 143; Risāla al-ittiṣāl, p. 171.
72. Ḥayy ibn-Yaqẓān, pp. 181-182.
73. Pp. 191-194, 201.
74. Pp. 195-199.
75. Tafsīr mā ba`d at-tab`iyya, pp. 1602-1613; cfr. The epistle on the possibility of conjunction with the active intellect; Talkhīṣ ma ba`d aṭ-ṭabī`a, pp. 145-146; Tractatus de animae beatitudine; Epistola de connexione intellectus abstracti cum homine.
76. P. 108.
77. Pp. 85-86.
78. Ibid., pp. 103-105.
79. P. 55.
80. Pp. 111-112.
81. Jawāmi` as-Samā` aṭ-ṭabī`ī, pp. 85-87, 103-105.
82. Tractatus de animae beatitudine, p. 153a.
83. Tractatus de animae beatitudine, p. 150a; 152a-b; Epistola.., p. 158a.
84. Ibid., sect. 16.
85. Tahāfut, I, pp. 92-98; II, pp. 443, 856.
86. II, p. 561.
87. Kitāb an-nafs, pp. 6-7; Talkhīṣ kitāb an-nafs, pp. 50, 56.
88. Talkhīṣ kitāb an-nafs, pp. 23-24.
89. Cfr. Ibn-Bājja, Ittiṣāl al-`aql bi-l-insān, pp. 164-165. Ces mme degrs de savoir sont proposs par le petit-fils d'Ibn-Rushd, Abū-Muḥammad ibn `Abdallāh ibn-al-Walīd Muḥammad ibn Muḥammad ibn-Rushd, Maqāla hal yattaṣil bi-l-`aql al-hayūlānī al-`aql al-fa``āl wa-huwa multabis bi-l-jism.
90. II, p. 834.
91. II, p. 862.
92. II, pp. 871-872.
93. II, p. 870-871.
94. Comme le dit B.H. Zedler, en "Averroes and immortality," The New Scholasticism, 28 (1954), pp. 436-453; elle a eu une meilleure prsentation de l'enseignement d'Ibn-Rushd das "Averroes on the possible intellect," Proceedings of the American Catholic Philosophical Association, 25 (1951), pp. 164-178.
95. Manāhij al-adilla, p. 151.
96. Pp. 153-154.
97. Dalāla al-ḥā'irīn, p. 135.
98. Ibid., pp. 405-408.
99. Ibid., pp. 487-494.
100. Ibid., p. 499.
101. Ibid., pp. 574-581.
102. Contra gentiles, III, nos. 25, 37.
103. Contra gentiles, III, nos. 38-48.
104. Ibid., III, nos. 49-54.
105. Ibid., nos. 55-58.
106. Khawāṣṣ al-ḥurūf, p. 95.
107. Taḥṣīl as-sa`āda, n. 20.
108. Ibid., 48, 57-61; as-Siyāsa al-madaniyya, 79:3.
109. Aḥwāl an-nafs, ch. 14.
110. Contra gentiles, III, nos. 78-81.
111. Al-Fawz al-aṣghar, pp. 111-118.
112. Maqāla fī n-nafs wa-l-`aql, p. 23.
113. Al-Fawz al-aṣghar, pp. 136-138.
114. Ash-Shifā': an-nafs, maqāla 5, faṣl 6; cfr. al-`Ilm al-ladunī, p. 197.
115. Aḥwāl an-nafs, ch. 13; sur les expriences des fous cfr. Risāla fī bayān al-mu`jizāt wa-l-karāmāt wa-l-a`ājīb, p. 408.
116. P. 46.
117. Kalimāt aṣ-ṣūfiyya, p. 168.
118. Quaestiones disputatae de Veritate, 12, a. 3.
119. P. 197.
120. P. 12
121. P. 3.
122. P. 411-412.
123. Kalimāt aṣ-ṣūfiyya, p. 169.
124. Ta`līqāt, p. 82.
125. Cfr. Willem Bejlefeld, "A prophet and more than a prophet," Muslim World, 59 (1969), 1-28.
126. Al-`ilm al-ladunī, pp. 198-200.
127. I, p. 347.
128. I, p. 415.
129. Manāhij al-adilla, pp. 121-134.
130. Dalāla al-ḥā'irīn., 392.
131. Ibid., p. 404-409, 422; cf. son Commentaire sur la Mishna, o il propose 13 principes que chaque juif doit accepter.
132. Ibid., pp. 412-422.
133. Ibid., pp. 435-447.
134. Ibid., pp. 452-455.
135. Summa theologiae, II-II, qq. 171-174.