CHAPITRE VI
LA FOI ET LA RAISON


5.1 L'utilisation de la philosophie au service de la thologie

Les philosophes arabes, bien entendu, conurent la philosophie comme une connaissance rationnelle du monde, indpendante de la thologie ou de la rvlation. Les thologiens, pour leur part, furent diviss en coles diverses sur la question de la possibilit ou de la validit d'utiliser des concepts philosophiques pour expliquer la rvlation. (1)

5.1.1 Les Ḥanbalites

Les sectateurs d'Ibn-Ḥanbal (voir ch. 1) s'attachrent farouchement l'ide que l'criture sainte (le Qur'ān et les collections du Ḥadīth) est la seule autorit pour un musulman. Ils rejetrent toute tentative d'interprter un verset qur'ānique dans un sens allgorique ou d'utiliser la philosophie pour expliquer les conditions de vrit du verset.

Cela explique pourquoi les Ḥanbalites attaqurent les philosophes et toutes les autres coles thologiques au cours du 9ime sicle.

Le Ḥanbalisme fut dvelopp plus tard par Ibn-Taymiyya (m. 1328), qui a eu une grande influence jusqu' aujourd'hui, surtout dans la thorie de la socit islamique. (2) D'une part les ides d'Ibn-Taymiyya furent reprises par `Abdalwahhāb dans la pninsule arabique au 18ime sicle. Le Wahhābisme ḥanbalite est la base du rgime actuel d'Arabie Sa`oudite, d'o il se rpand travers le monde islamique, surtout dans certains pays d'Afrique.

D'autre part, le Ḥanbalisme d'Ibn-Taymiyya influena le rformisme moderne d'al-Afghānī (m. 1897), de Muhammad `Abduh (m. 1905) et Rashīd Ridā (m. 1935). (3) Ceux-ci furent des universitaires sans grande influence dans la socit. Nanmoins, cartant la thologie 'ash`arite dcadente, ils ont promu une accommodation pragmatique la socit moderne.

La mme ligne de pense fut continue par l'crivain pakistanais, Abū-l-`Alā Maudūdī (m. 1979), qui labora la dimension politique de l'Islam dans un sens plus radical. (4)

Dans le 20ime sicle ces crivains ont influenc le mouvement radical des Frres Musulmans et la pense du plus influent de ses membres, Sayyid Quṭb. (5) Le no-Ḥanbalisme est toujours important dans le contexte d'un Islam radical contemporain. (6)

5.1.2 Les Mu`tazilites

Les Mu`tazilites ne formaient pas une cole uniforme, mais une de leurs constantes fut leur utilisation libre des concepts et mthodes philosophiques.

D'ailleurs, ils interprtrent le Qur'ān allgoriquement pour l'accorder avec leur positions rationnelles drivant de la philosophie. Par exemple, ils exigeaient une interprtation allgorique pour viter tout anthropomorphisme et pour rduire toutes les descriptions ou noms de Dieu une unit qui n'admettait aucune distinction relle entre les attributs de Dieu. Insistant aussi sur la justice de Dieu, ils interprtrent allgoriquement tout verset impliquant une dtermination divine des vnements de ce monde.

5.1.3 Les Ash`arites

Al-Ash`arī se spara des Mu`tazilites parce qu'ils ne respectaient pas le sens littral du Qur'ān, et ils n'offraient pas des explications suffisantes pour rpondre aux difficults suscites par leurs positions. Par exemple, en insistant absolument sur la justice de Dieu et le libre arbitre de l'homme ils ne laissaient pas de place la toute-puissance et la bont de Dieu, surtout son pouvoir ou sa volont de pardonner.

Al-Ash`arī alors devint un partisan de l'interprtation littrale du Qur'ān, sauf dans quelques cas o il en rsultait des impossibilits. Mais pour expliquer et soutenir ses positions, al-Ash`arī n'hsita pas utiliser tous les moyens philosophiques disponibles.

On voit comment chacune de ces trois coles s'opposait aux philosophes et toutes les autres coles. L'opposition d'ailleurs ne fut pas limite aux universitaires, mais elle dborda aussi dans les rues de Baghdad et cra une situation politique dstabilisante.

5.2 La recherche de la vrit par l'exprience directe

Il y avait ceux qui ne trouvaient satisfaction ni dans la connaissance de la lettre du Qur'ān, ni dans la recherche de la vrit par les moyens rationnels comme l'tude de la loi ou de la thologie ou de la philosophie.

5.2.1 Les Shī`ites

Les Shī`ites, partisans de `Alī, considraient celui-ci comme le premier calife lgitime par droit de nomination de Muḥammad et du fait de sa parent plus proche. Un imām shī`ite a une autorit venant directement de Dieu. Il partage le `iṣma (l'infaillibilit et l'impeccabilit) du prophte.

Les Shī`ites voient dans le Qur'ān non seulement des ambiguïts qu'il faut interprter, mais partout des sens cachs. Chaque verset aurait un sens extrieur (ẓāhir), qui est le sens littral, et un sens intrieur (bāṭin), qui est allgorique ou sotrique. Ce sens ne peut tre dcouvert par l'tude ou la raison, mais seulement par une illumination spciale accorde l'imām, qui son tour l'enseigne ses adeptes.

Le Shī`isme est alors un systme semblable au gnosticisme, qui est bas sur une sagesse descendant d'en-haut, dont bnficient certains privilgis qui doivent diriger les autres.

On peut noter, d'ailleurs, qu'al-Fārābī et Ibn-Sīnā sont trs apprcis par les dirigeants shī`ites, parce que ces philosophes soutiennent une organisation hirarchique de la socit, o les suprieurs, qui sont les sages, illuminent les infrieurs.

5.2.2 Les Ṣūfīs

Le ṣūfisme est un mouvement cherchant une exprience personnelle de Dieu en dehors des rituels prescrits dans la Sharī`a. (7)

En tant que mouvement mystique, le ṣūfisme a soulign la prsence et l'immanence de Dieu jusqu'au point d'entrer en conflit avec les autorits religieuses. Enfin les ṣūfīs ont trouv le droit de cit dans l'Islam par un compromis fait principalement par al-Ghazālī:

  1. Ils pourraient parler de l'amour de Dieu ou amiti avec lui (ce n'est pas un thme du Qur'ān), mais il serait dfendu de dire que Dieu habite (ḥulūl) dans le croyant.
  2. Ils pourraient suivre la voie (ṭarīqa) et pratiques du ṣūfisme pour arriver la ḥaqīqa (Vrit, Ralit = Dieu) par rapprochement, non par union, mais ils ne pourraient se dispenser des prescriptions de la Sharī`a, qui ne sont jamais dpasses par une tape suprieure.
  3. Par leur prire mystique ils peuvent bien exprimenter les merveilles du Seigneur, mais ils ne doivent pas les appeler des "miracles" au sens propre, parce qu'un miracle (mu`jiza), par dfinition, est la preuve de la prophtie, qui s'est termine avec Muḥammad.

Le ṣūfisme prsente bien des faits et des questions qui doivent tre analyss et intgrs dans la philosophie et surtout la thologie musulmane. Mais en fait, en dehors des efforts pour sauvegarder l'orthodoxie, trs peu de rflexion thologique a t faite sur le ṣūfisme, et le Kalām n'a rien emprunt au ṣūfisme.

La chose principale qu'il faut remarquer ici, dans une discussion de la philosophie, est le fait que les ṣūfīs, comme les Shī`ites, ont cherch la vrit par la voie de l'exprience directe ou illumination divine. Mais, tant un mouvement au sein du sunnisme, le ṣūfisme se distingue du Shī`isme en tant qu'il est ouvert tout musulman sans exception. La dmocratisation ṣūfique de l'exprience mystique a t la rponse sunnite au Shī`isme.

Une autre chose importante noter est que les confrries ṣūfiques sont encore en conflit avec les mouvements no-ḥanbalites, comme le Wahhābisme d'Arabie Saoudite et les sectateurs de Sayyid Quṭb d'Egypte. En Afrique les disciples de ceux-ci regardent les ṣūfīs comme des syncrtistes qui corrompent la puret de l'Islam. En effet, les ṣūfīs conservent un peu les traditions et l'authenticit africaines en face d'une culture moniste arabo-musulmane.

5.3 Al-Ghazālī et la connaissance rationnelle

Comme on a vu dans le chapitre I, les attaques d'al-Ghazālī furent le facteur principal du dcs de la philosophie dans le monde musulman. Quelles taient ses vues sur la connaissance rationnelle en gnral pour expliquer cette attitude?

Sur ce sujet al-Ghazālī composa: 1) Tahāfut al-falāsifa en 1095 avant sa crise et son retrait de l'enseignement. Dans ce livre il attaqua vingt thses philosophiques auxquelles il reprochait d'tre hrtiques (bid`a = innovation) ou, plus gravement, comme incroyance (kufr). Pendant son retrait il crivit 2) Iḥyā' `ulūm ad-dīn (Revivification des sciences de la religion), un gros ouvrage ou summa, dont le livre I, ch. 1-7 nous intresse. Dans la mme priode il crivit 3) Ayyuhā l-walad (O fils!) pour instruire un novice ṣūfī, et aprs avoir repris son enseignement il crivit 4) son autobiographie, al-Munqidh min aḍ-ḍalāl, qui rsume ce qu'il avait dit dans ses ouvrages prcdents. Je voudrais considrer maintenant le deuxime et la troisime de ces ouvrages.

5.3.1 Le Iḥyā'

Dans le Ihyā', livre 1, ch. 2, al-Ghazālī parle des diverses sortes de sciences. Qu'est ce que voulait dire la science dans le milieu philosophique o il parlait? La science (en arabe al-`ilm, en grec ) tait un terme technique pour dsigner prcisment la connaissance d'un sujet dtermin, d'un attribut qui est une proprit de ce sujet (qui a la mme mesure d'extension), et la cause de cet attribut, qui doit se trouver dans la nature (la forme ou la matire) du sujet, mais aussi dans les causes extrieures, le but (cause finale) ou l'agent. Une telle connaissance est dmonstrative, parce qu'elle inclut un fait et son explication: le quoi et le pourquoi. Une dmonstration, dans la tradition aristotlicienne n'est pas d'abord un moyen de connaissance, mais une analyse d'une connaissance dj acquise par l'exprience et la recherche.

Prenant le point de vue d'un juriste, al-Ghazālī utilise les cinq catgories juridiques pour juger la valeur des diverses sciences. Ces catgories sont: 1) l'obligatoire, 2) l'encourag, 3) le permis, 4) le dcourag, et 5) le dfendu ou interdit.

Al-Ghazālī dit alors que chaque musulman est oblig de connatre les aspects pratiques de sa religion, c'est--dire: 1) la Shahāda (Lā ilāha illā llāh, Muḥammadun rasūl Allāh) sans preuves ou explications dtailles, 2) les rites que chacun est oblig suivre, et 3) ce qui est interdit aux musulmans.

Puis il distingue quatre types de sciences thoriques: 1) la mathmatique (gomtrie et arithmtique), qui est permise tout le monde et obligatoire certains (comme les comptables d'une communaut), 2) la logique qui, pour al-Ghazālī, n'a pas de raison d'avoir une existence autonome, mais doit faire partie des pralables du Kalām, 3) la thologie naturelle (comme le livre XII de la Mtaphysique d'Aristote), qui elle non plus n'a pas de droit une existence propre, mais doit s'incorporer dans le Kalām, et 4) les sciences naturelles. Al-Ghazālī distingue celles-ci entre: sciences fausses (astrologie et magie), sciences utiles (mdecine) et sciences inutiles (comme la science dtaille du monde). Il ne mentionne pas ici son objection que les sciences naturelles supposent le principe de causalit naturelle, qui va contre sa thologie ash`arite.

Parmi les sciences humaines lgitimes, il laisse seulement la mathmatique et la mdecinequi sont pratiquement indispensables.

Quant aux sciences religieuses, al-Ghazālī distingue plusieurs branches, mais il souligne l'importance de la connaissance infuse de Dieu telle qu'exprimente par les ṣūfīs. Il conclut au chapitre 3 en disant: "La connaissance qu'apporte le Qur'ān est la science entire."

5.3.2 Ayyuhā l-walad

Ce petit ouvrage est une exhortation un sālik, un novice ṣūfī qui commence se mettre en route (ṭariqa, un autre mot pour le ṣūfisme). Un passage de cet ouvrage dit:

Qu'est-ce que tu gagnes en matrisant le Kalām, les diverses opinions de droit, la mdecine, les gnalogies, la posie, l'astronomie, la prosodie, la grammaire et les dclinaisons sinon de perdre ton temps et de ngliger Dieu?

Al-Ghazālī continue de souligner que l'important c'est l'action et non la connaissance. L'action donne une personne un goūt (dhawq) de la ralit (al-ḥaqq, ou la "Vrit") qui ne peut s'obtenir que par l'exprience et non par l'enseignement.

Le sālik doit savoir seulement quatre choses: 1) la croyance correcte (= la Shahāda), 2) de bons conseils, et pour cela il a besoin d'un directeur spirituel (shaykh murshid), 3) comment se rconcilier avec ceux qui le critiquent, et 4) une connaissance de la Sharī`a suffisante pour suivre les commandements de Dieu.

Le rsultat de cette mfiance envers la science a dj t soulign dans le Chapitre I.

5.4 Les Philosophes

5.4.1 Al-Kindī

Al-Kindī acceptait tous les dogmes de la foi islamique et n'essayait pas de les contester par sa philosophie. Pour lui la philosophie est infrieure la rvlation prophtique, parce que celle-ci vient soudainement, sans aucun effort ou raisonnement. Nul philosophe ne pourrait produire l'gal des versets qur'āniques, avec leur sagesse et leur expression succincte et claire. (8)

Nanmoins il se plaignait amrement des opposants religieux, les accusant d'orgueil:

Ils dfendent leurs faux trnes qu'ils ont rigs sans mrite, pour gagner l'autorit et faire du commerce avec la religion. Mais ils sont les ennemis de la religion, parce que qui fait le commerce avec quelque chose le vend, et qui vend quelque chose ne le possde pas. Alors qui fait du commerce avec la religion n'a pas de religion, et il est juste qu'on dpouile des [offices] de la religion celui qui s'oppose au dsir de connatre la vrit des choses, et qui appelle ce dsir l'incroyance. (9)

5.4.2 Muḥammad ar-Rāzī

Comme nous avons vu au chaptre 5, pour Muḥammad ar-Rāzī, tous les hommes sont galement dous de raison et peuvent galement trouver toute vrit en tudiant la philosophie. La prophtie n'existe pas. En fait c'est un satan qui est venu Muḥammad en disant tre un ange et en lui offrant une mission prophtique, cela pour crer la division et inciter la guerre religieuse. (10) D'ailleurs, les vies des prophtes ne sont pas exemplaires, et ce qu'ils prsentent comme miracles ne le sont point. (11)

Ce qui conviendrait le mieux la Sagesse du Dieu Sage et la Misricorde du Misricordieux, ce serait d'inspirer l'ensemble de ses serviteurs la connaissance de ce qui leur est utile ou nocif, ici-bas et dans l'au-del, et non de prfrer certains d'autres, ni de faire en sorte qu'il y ait parmi eux une rivalit et des divergences pouvant de les faire prir. Cela aurait t plus sūr pour eux que de faire de certains d'entre eux des imāms pour les autres, avec la consquence que chaque groupe prte foi son imām et tient les autres pour menteurs, que les gens se frappent la face coups d'pe, que les troubles se gnralisent et qu'ils prissent dans les hostilits et les luttes. Beaucoup de gens, nous le voyons en effect, ont pri de cette manire. (12)

Puis ar-Rāzī compare Muḥammad, les prophtes bibliques et Mānī et Zoroastre pour montrer comment ils ne s'accordent pas sur aucune vrit, et ainsi ils doivent tous tre faux. (13)

5.4.3 Ibn-Masarra

Ibn-Masarra ouvre sa Risāla al-i`tibār avec la question de savoir si la prophtie est la seule voie meant la connaissance. Il continue en expliquant que Dieu nous a donn un intellect pour le connatre comme il se connat lui-mme. Nous le connaissons travers le monde, qui est comme un livre. Nous le connaissons aussi travers les prophtes; non seulement ils nous dclarent les attributs les plus hauts de Dieu, mais aussi ils indiquent les signes terrestres de Dieu. La prophtie part du trne de Dieu et descend, tandis que la philosophie part de la terre et monte. La philosophie confirme la vrit de la prophtie, mais d'autre part la prophtie ne peut pas se comprendre sans la philosophie. (14) Nanmoins les philosophes se trompent parfois en essayant de dcire l'ordre de la cration au-dessus de Dieu. Dans de tels cas les prophtes les corrigent. (15)

5.4.4 Al-Fārābī

A la fin de son Iḥṣā' al-`ulūm, (16) al-Fārābī soulve la question des interprtations philosophiques qu'on pourrait donner aux dogmes religieux. D'abord, il y a des thologiens (les Ḥanbalites) qui excluent toute possibilit d'interprtation, parce que les donnes de la foi sont trop leves pour tre scrutes par la raison humaine.

Il y en a d'autres qui, en rencontrant dans la rvlation ce qui semble contraire la raison ou l'exprience des sens, ne contradisent pas le texte sacr, mais lui donnent une interprtation qui est en accord avec la raison; mais dans le cas o ils ne peuvent pas rconcilier les deux, ils s'abstiennent de contredire la rvlation et ils se rfugient, comme les premiers, dans la vracit de la rvlation qui chappe au pouvoir de l'homme de comprendre.

D'autre part, il y a ceux qui refusent d'accepter un dogme qui contradit la raison. Il arrive que pour leur tmrit ils soient expulss de leur communaut religieuse. De peur de cela, d'autres n'osent pas exprimer leurs convictions. Enfin, al-Fārābī se plaint des fanatiques qui n'hsitent pas utiliser n'importe quel moyen pour perscuter les dissidents.

5.4.5 Miskawayh

Pour Miskawayh la philosophie et la prophtie s'accordent sur les mmes vrits, mais la connaissance du philosophe part d'en bas et monte ver le haut, tandis que le prophte suit le processus inverse. Mais, remarque Miskawayh, le prophte descend un langage matriel, un moyen moins apte exprimer la vrit. (17)

5.4.6 Ibn-Sīnā

La position d'Ibn-Sīnā sur la foi et la raison dpend de sa conception de l'origine de la connaissance, savoir que l'intellect agent infuse toute connaissance intellectuelle, parfois directement, parfois en passant par les donnes des sens ou par le raisonnement. Ainsi la connaissance intellectuelle ne diffre pas essentiellement de la prophtie; les deux sont reues d'en-haut. La seule diffrence est que la prophtie est toujours reue directement sans intermdiaire. Comme Ibn-Sīnā exprime dans son al-`Ilm al-ladunī, le rsultat c'est que:

La connaissance est de deux sortes. L'une est rvl; l'autre est rationelle. La plupart des sciences rationelles sont rvles celui qui en a une connaissance mystique; la plupart des sciences rvles sont intelligibles celui qui en a une connaissance scientifique. (18)

Dans ar-Risāla al-aḥḍawiyya fī l-ma`ād Ibn-Sīnā est le plus explicite. La rvlation (ash-shar`) doit utiliser un langage mtaphorique, parce qu'il est dstin au grand publique qui ne comprendrait pas un langage scientifique, comme c'est le cas dans la question de l'unicit divine (tawḥīd). (19) "Si cela est vrai dans le cas du tawḥīd, comment cela ne serait il pas vrai aussi pour les autres articles de la foi?" (20) Quoiqu'il admette que certains verset qur'āniques sont prendre la lettre, (21) il conclut:

Tout ce que nous avons dit est d'aider celui qui veut tre parmi les lites, et non un des gens communs, car le sens extrieur de ce qui est rvl (ash-sharā'i`) n'a aucune valeur probante dans de telles questions. (22)

La conclusion de la Risāla fī aqsām al-`ulūm al-`aqliyya est qu'il n'y a rien dans toutes les branches de la science ou la philosophie (al-ḥikma) qui soit oppos la rvlation. (23)

5.4.7 Ibn-Gabirol

Quoiqu'il adopte un univers essentiellement plotinien, Ibn-Gabirol y apporte des corrections par sa foi juive en la cration temporelle de l'Intellect, de l'me universelle, de la matire et de toutes les choses particulires. Il ne retient que la Volont ou le Logos comme n'ayant pas de commencement temporel. Le Nous platonique, qui deviendra l'Intellect Agent des autres philosophes, semblait pouvoir s'accorder avec l'ide biblique de la Sagesse. L'ide chrtienne du Logos tait certainement loin de l'intention d'Ibn-Gabirol.

5.4.8 Ibn-Ṭufayl

Quand Ḥayy ibn-Yaqẓān coute de Asāl une exposition de la foi islamique, ils voient la concordance parfaite entre la rvlation transmise (al-manqūl) et ce que vient de la raison (al-ma`qūl). (24)

Mais Ḥayy ibn-Yaqẓān a deux objections contre la rvlation islamique. L'une est l'anthropomorphisme des descriptions qur'āniques de Dieu. L'autre est la permission que la Sharī`a donne de se satisfaire des plaisirs de ce monde, qui dtournent de la ralit de Dieu. Asāl n'a pas de rponse ces objections. (25) Alors Ḥayy ibn-Yaqẓān a tellement piti des gens qui suivent une telle loi qu'il persuade Asāl de l'amener chez eux pour leur prcher la vrit. Il le fait, mais les meilleurs de ces gens sont si durs et opaques d'intelligence qu'ils rejettent le message de Ḥayy ibn-Yaqẓān. (26)

5.4.9 Ibn-Rushd

Dans le Tahāfut

Ibn-Rushd crit son Tahāfut at-Tahāfut vers 1180, rpondant point par point aux attaques du Tahāfut al-falāsifa d'al-Ghazālī. Ibn-Rushd interdit de parler des subtilits philosophiques au grand public, et il critique al-Ghazālī pour avoir fait un dbat public des questions dont seulement les spcialistes doivent parler. (27)

La rvlation est muette sur certains sujets, laissant la raison, ou aux dmonstrations, de les investiguer. (28) Mais la philosophie a ses limites, et les philosophes ne doivent pas discuter les principes de la rvlation (mabādi' ash-shar`). Mme les spcialistes doivent commencer par l'acceptation de la rvlation et l'entranement la vertu qu'elle enseigne. Plus tard seulement ils peuvent entrer dans la recherche philosophique. (29)

Chaque prophte est un sage (ḥakīm), mais le contraire n'est pas vrai. (30) La prophtie est une vision de ce qui arrivera par la nature des choses. (31)

Dans Faṣl al-maqāl

En mme temps, il crira Faṣl al-maqāl, un ouvrage juridique dfendant la lgitimit et la ncessit de la philosophie. Dans le premier chapitre de ce dernier ouvrage, Ibn-Rushd prend position non seulement sur la lgitimit de la philosophie, mais aussi plus fortement sur l'obligation de l'tudier, au moins pour certains. Divers versets qur'āniques appellent rflchir ou mditer sur l'ensemble de la cration, (32) mais la rflexion rationnelle la plus parfaite est la connaissance dmonstrative. On est alors oblig de connatre la logique, qui prcise comment prsenter une dmonstration correcte, ainsi que la philosophie elle-mme. Il faut aussi utiliser les ouvrages des anciens, mme s'ils ne sont pas musulmans, parce qu'on ne peut pas dcouvrir toute la science par soi-mme.

Ibn-Rushd distingue ensuite les diverses sortes d'hommes selon le niveau de leur intelligence: 1) il y a ceux qui peuvent suivre une dmonstration et arriver la certitude, 2) ceux qui peuvent raisonner, mais seulement avec des arguments probables et n'arrivent qu' l'opinion, et enfin 3) ceux qui ne peuvent pas analyser la complexit intelligible des choses, mais doivent se contenter de la persuasion rhtorique, qui prsente la vrit (ou la fausset) par des images sensibles. Plus tard, Ibn-Rushd identifie ces catgories avec: 1) les philosophes, 2) les thologiens ash`arites et mu`tazilites, et 3) la masse des musulmans ordinaires.

Ce sont les philosophes qui sont capables de saisir la vrit de la faon la plus parfaite et c'est leur obligation de le faire. Les thologiens et juristes ne doivent pas les en empcher.

Ensuite Ibn-Rushd entreprend de montrer que la philosophie et la rvlation s'accordent. L'averroïsme latin du moyen ge tait accus d'enseigner la "double vrit": ce qui est vrai en la philosophie peut tre faux en la thologie et vice-versa. Mais le chapitre 2 du Faṣl al-maqāl s'ouvre avec cette dclaration que les dmonstrations philosophiques ne peuvent pas contredire l'Ecriture Sainte, parce que "la vrit ne s'oppose pas la vrit, mais s'accorde avec elle et en tmoigne."

Mais aussitt aprs, Ibn-Rushd dit, qu'en cas de conflit apparent, l'Ecriture Sainte doit s'interprter dans un sens allgorique. Pour la lgitimit de l'interprtation allgorique il cite l'exemple des juristes qui le font tout le temps quand un verset est en conflit avec un autre. Si les juristes ne sont qu'au niveau de la pense dialectique, plus forte raison les philosophes peuvent-ils rclamer une interprtation allgorique pour accorder un verset une vrit dmontre. C'est parce que le Qur'ān est crit sous une forme image qu'il peut tre interprt en des sens divers, mais la philosophie prsente la vrit sous une forme intelligible et immuable. Ibn-Rushd reconnat quandmme que les gens ordinaires, qui ne peuvent pas comprendre une dmonstration, soient amens accepter une interprtation littrale; on ne doit pas troubler leur foi en mettant en doute cette interprtation par une manifestation publique des enseignements philosophiques.

En tout cas, il faut respecter l'unanimit ou le consensus (ijmā`) des musulmans en interprtant l'Ecriture Sainte. Le ijmā`, en effet, est le fondement de la foi musulmane, parce que c'est le ijmā` qui accepte le Qur'ān ou les Ḥadīth comme rvlation. Mais, dit Ibn-Rushd, si les philosophes musulmans ne sont pas d'accord avec une affirmation, on ne peut pas parler d'un consensus musulman. Al-Ghazālī a eu tort d'accuser les philosophes d'hrsie (bid`a) ou, plus srieusement, d'incroyance (kufr), quand un consensus manque. Il a eu tort aussi de divulguer toutes ses opinions en public, troublant ainsi la foi des gens simples.

Ibn-Rushd rpond alors aux accusations de kufr (incroyance) qu'al-Ghazālī avait portes sur quelques positions particulires, comme: 1) la connaissance de Dieu des particuliers; Ibn-Rushd dit que oui, Dieu les connat, mais parce que sa connaissance est la cause de leur existence et non l'effet, comme dans le cas de la connaissance humaine. 2) Sur la dure du monde, Ibn-Rushd dit que peu importe si l'univers n'a pas de commencement si on admet qu'il dpend de Dieu pour son existence. La nouveaut du monde, d'ailleurs, n'est nulle part explicitement mentionne dans le Qur'ān et on peut mme citer des versets qui font penser que le monde a t cr partir de la matire prexistante. 3) Parlant de la vie future et de l'accusation de nier la rsurrection du corps, Ibn-Rushd se contente de dire que c'est une question encore discutable et qu'une diversit d'opinions est lgitime. (33)

Ibn-Rushd, enfin, dans le chapitre 3, s'excuse d'avoir parl de ces sujets dans un ouvrage destin au public. Mais il a t forc de le faire cause des attaques publiques d'al-Ghazālī (alors dcd) qui continuaient d'tre diffuses par les juristes et thologiens intgristes.

Dans al-Kashf `an manāhij al-adilla

Dans cette autre oeuvre importante Ibn-Rushd prcise les critres pour dcider quand on ne doit pas prendre le Qur'ān la lettre. A part les cas o le sens litteral est clair et ne donne aucun problme, il y a quatre cas possibles o le texte est symbolique (mithāl) d'une autre vrit:

  1. L o il n'est pas vident que le texte est symbolique et que ce qu'il symbolise n'est pas videntl'interprtation (ta'wīl) est rserve aux spcialistes (rāsikhūn).
  2. L o les deux sont videntstout le monde doit accepter le sens symbolis.
  3. L o il est vident que le texte est symbolique, mais ce qu'il symbolise n'est pas videntl'interprtation est rserve aux spcialistes, qui, aux questions des autres, doivent donner des explications adaptes leur entendement.
  4. L o il n'est pas vident que le texte est symbolique, mais s'il est indiqu qu'il l'est, ce qu'il symbolise est videntici les savants de doivent pas troubler la foi des simples en dclarant que ces textes sont symboliques. Ibn-Rushd accuse les Mu`tazilites et les Ash`arites, al-Ghazālī en particulier, pour avoir fait et publi des interprtations audacieuses qui ont cr des divisions entre musulmans. (34)

5.4.10 Moshe ben Maimon

Moshe ben Maimon estima que probablement ses propres enseignements seraient malentendus et trouvs choquants chez les masses. Pour cela il demanda ses auditeurs de ne pas les divulger. (35) Un principe fondamental est que les passages anthropomorphiques de l'Ecriture Sainte ne doivent pas se prendre littralement. Il consacre toute la premire partie de la Dalāla al-ḥā'irīn l'illustration de ce principe. Ailleurs il accord beaucoup de place l'exgse de l'Ecriture, en essayant de montrer que ce qu'il propose comme la vrit philosophique s'accorde avec l'Ecriture.

Il admet qu'on peut donner des interprtations diffrentes (ta'wīl) l'Ecriture, par exemple pour soutenir l'ternit de la cration. Mais, dit-il, il n'y a pas de raison de le faire, parce qu'il n'y a pas de preuve que le monde ait toujours exist. D'ailleurs la cration temporelle s'accorde avec l'lection libre par Dieu d'un certain peuple un certain temps, et avec la suscitation de certains prophtes et l'opration de miracles travers eux, tout par son choix libre. La cration temporelle s'accorde aussi avec l'enseignement traditionel des rabbis.

5.5 Thomas d'Aquin

Contre les Ḥanbalites et les Ash`arites qui, en exaltant la rvlation, accordent trs peu de valeur la raison, et contre Muḥammad ar-Rāzī qui ne reconnat que la raison humaine, Thomas prend position avec les autres thologiens et philosophes arabes qui reconnaissent l'autonomie de la raison et de la rvlation. Chacune des deux nous amne des vrits que l'autre ne peut pas fournir, mais il y a un certain doublement dans quelques vrits fondamentales concernant Dieu, l'homme et la cration en gnral. (36)

Est-ce qu'un conflit est possible entre les deux? Dieu nous a dous de la raison par laquelle nous connaissons certaines vrits si clairement qu'il est impossible de les nier. Il est galement illgitime de nier les vrits de la foi, qui sont confirmes par l'autorit divine. Ainsi tout ce qui s'oppose ces vrits de la raison ou de la rvlation ne peut pas venir de Dieu, mais il provient d'un raisonnement erron. Les conclusions d'un tel raisonnement n'ont aucune validit, mais seulement l'apparence de vrit. (37)

CONCLUSION

Je n'ai fait qu'une esquisse gnrale d'un sujet qui mrite une tude dtaill. On ne peut qu'admirer ces philosphes pour avoir pouss, en dpit d'opposition parfois farouche, une recherche sur les questions profondes qui touchent la base de la vie humaine, de la socit et de la religion questions qui ont agit les esprits de toutes les gnrations.

En dpit des prtensions de certains comme Ibn-Rushd d'avoir construit un systme parfait du monde appuy par des dmonstrations solides, on voit que la plus grande part ne fut que dialectique mais une dialectique qui est exceptionellement valable pour une discussion actuelle des mmes questions.

On peut noter des erreurs, des prjujs, des ignorances, mais en mme temps des claircissements valables, des contributions de valeur permanente.

On peut noter tout au long de cette tude comment j'ai fait une comparaison continuelle avec la pense de Thomas d'Aquin. Je crois qu'il est juste d'observer que Saint Thomas a fait face aux mmes questions d'une faon bien suprieure celle des philosophes arabes, et qu'il a donn des rponses ingnieuses qui sont des expositions de la vrit permanante. Mais il faut aussi observer qu'il ne l'a pas fait sans bātir sur la pense de ces mmes philosophes, ses prdecesseurs.

Sans tomber dans un scepticisme qui relativise la vrit, on peut dire quandmme que la recherche de la vrit est toujours en marche, et Saint Thomas n'a pas dit le dernier mot. Pour aller de l'avant, on doit toujours enfoncer ses racines plus sūrement dans le pass. On n'arrive pas un sommet fixe de la vrit, o on pourrait se dbarraser de l'chelle. D'o la valeur permanente de l'histoire de la philosophie, en particulier des philosophes arabes.

Que ce livre soit une contribution modeste cette tche, et aussi un outil utile pour ceux qui veulent entrer dans cette tude.



BIBLIOGRAPHIE GENERALE

Pour une bibliographie plus complte, voir ma
Bibliography of the works of the philosophers of the Muslim world


Badawi, `Ar.Histoire de la philosophie en Islam, 2 vols. Paris: Vrin, 1972.
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Kuksewicz, Z.De Siger de Brabant Jacques de Plaisance. La thorie de l'intellect chez les averroïstes latins des XIIIe et XIVe sicles. Varsovie: Ossolineum, 1968.
Laoust, HenriLe Trait de droit public d'Ibn Taimiyya. Beyrouth: Institut franais de Damas, 1948.
Laoust, HenriLes schismes dans l'Islam, introduction une tude de la religion musulmane. Paris: Payot, 1965.
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Sirat, ColetteLa philosophie juive mdivale en terre d'Islam. Paris: CNRS, 1988.


OUVRAGES ARABES/ LATINS CITS

Al-Kindī

Isḥāq ibn-Ḥunayn


Al-Fārābī

Ibn-Sīnā


Al-Ghazālī


Ibn-Bājja


Ibn-Rushd


Isḥāq ibn-Sulaymān al-Isra'īlī


Muḥammad ibn `Abdallāh ibn-al-Walīd Muḥammad ibn Muḥammad ibn-Rushd


Moshe ben Maimon


Thomas Aquinas


1. Pour l'histoire de ces coles, cfr. R. Caspar, Trait de thologie musulmane, I. Histoire le la pense religieuse musulmane; L. Gardet & M.-M. Anawati, Introduction la thologie musulmane, pp. 21-93; sur la foi et raison pp. 303-373.

2. Cfr. Henri Laoust, Le Trait de droit public d'Ibn Taimiyya (Beyrouth: Institut franais de Damas, 1948) et Les schismes dans l'Islam, introduction une tude de la religion musulmane (Paris: Payot, 1965).

3. Cfr. Jacques Jomier, Le commentaire coranique du Manār et Introduction l'Islam actuel.

4. Cfr. Abū-l-`Alā Maudūdī, Fundamental principles of Islamic political theory, Islamic law and constitution, Political theory of Islam, and Towards understanding Islam.

5. Cfr. Olivier Carr, Mystique et politique, lecture rvolutionnaire du Coran par Sayyid Qutb, Frre Musulman radical.

6. Cfr. J. Kenny, "Aux sources des mouvements radicaux dans l'Islam".

7. Pour un rsum du ṣufisme, voir G.-C. Anawati et Louis Gardet, Mystique musulmane; Robert Caspar, Cours de mystique musulmane.

8. Risāla fī kamiyya kutub Arisṭūṭālīs, pp. 372-376.

9. Kitāb al-falsafa al-ūlā, pp. 34-35.

10. Al-`ilm al-ilāhī, 5; cfr. Aḥmad ibn-`Abdallāh al-Kirmānī, al-Aqwāl adh-dhahabiyya; Abū-Ḥātim ar-Rāzī, al-Munāẓarāt.

11. Cfr. Ismā`īl al-Majdū`, dans le prface al-Munāẓārāt.

12. Abū-Ḥātim ar-Rāzī, Munāẓarāt; traduction franaise de Fabienne Brion, Bulletin de Philosophie Mdivale, 28 (1986), p. 137.

13. Ibid.

14. Pp. 61-69, 72.

15. Pp. 69-70.

16. 16Pp. 132 ff.

17. Al-Fawz al-aṣghar, p. 128.

18. P. 191.

19. Pp. 43-63.

20. P. 49.

21. Pp. 47, 51-53.

22. P. 63.

23. P. 94.

24. P. 226.

25. Pp. 227-228.

26. Pp. 229-233.

27. Tahāfut, II, pp. 550-553, 558, 624-625, 646-649, 735.

28. II, p. 651.

29. II, pp. 791-792, 866-869.

30. II, p. 868.

31. II, p. 798.

32. Qur'ān 59:1 etc.

33. Cfr. chapitre 4.4.

34. Pp. 155-158.

35. Dalāla al-ḥā'irīn, pp. 23-24, 76-85, 183, 377, 463.

36. Contra gentiles, I, nos. 4-6.

37. Ibid., I, nos. 7-8.