HISTOIRE DES DOMINICAINS EN AFRIQUE
Chapitre 6

LE NIGÉRIA ET LE GHANA (1)

En 1946, Mgr David Mathew, le délégué apostolique pour l'Afrique anglophone, dont les quartiers se trouvaient à Mombasa, entreprit des démarches pour assurer une présence dominicaine en Afrique de l'Ouest. Il était soucieux de voir l'Ordre dominicain auquel appartenait son frère, Gervase Mathew établir un centre d'études philosophiques et théologiques supérieures pour les élites africaines et donner des retraites aux prêtres et religieux du Nigéria et du Ghana. Après avoir comparé les mérites respectifs d'Accra, Ibadan et Lagos, il écrivit à Edward Hughes, le provincial de Saint-Albert le Grand (nord-est des États-Unis), le 4 octobre 1949 pour lui demander d'envoyer des frères à Lagos.

Il voulait aussi savoir si les dominicains étaient prêts à prendre en charge une mission qui engloberait la province de Sokoto au nord du Nigéria. Hugues répondit qu'avant de prendre une décision il souhaitait se rendre au Nigéria. La première de ses cinq visites dans ce pays eut lieu en novembre 1949. Il était accompagné d'E.M. Cuddy. Le 16 janvier 1950, le conseil provincial approuva à l'unanimité le projet d'une mission à Lagos étant entendu que les détails du projet seraient fixés dans les mois qui suivraient. Mgr Mathew désirait que les frères arrivassent à temps pour le Congrès eucharistique international qui devait prendre place le 19 février 1951 à Kumasi sur la Côte d'Or (comme on appelait alors le Ghana). Toutes les parties intéressées seraient présentes et le futur apostolat des dominicains pourrait y être discuté.

Ṣ cette époque, le Nigéria faisait partie de l'Empire britannique et était dirigé par un gouverneur général nommé par le roi d'Angleterre. Non seulement c'était la première fois que des dominicains pénétraient sur le sol nigérian, mais c'était la première expédition de catholiques américains dans ce territoire. Celui-ci comptait alors trois régions, le nord, l'ouest et l'est, où l'on dénombrait des centaines de tribus et de langues. La Société des missions africaines avait joué un rôle pionnier dans diffusion du catholicisme à l'ouest et au nord du pays et les pères du Saint-Esprit dans la région de l'est. Avant l'arrivée des dominicains, des augustins irlandais avaient travaillé dans le nord-est. Les catholiques étaient les plus nombreux dans l'est mais ne constituaient qu'une petite minorité dans les autres régions. L'extrême nord était dominé par l'islam qui exerçait aussi une forte influence dans l'ouest. Les anglicans constituaient le groupe protestant dominant, suivis par les baptistes, les méthodistes et d'autres missions évangéliques telles que la SIM (Sudan Interior Mission) et la SUM (Sudan United Mission).

Les trois premiers frères, Michael Dempsey, Thaddeus Lawton et Arthur Kinsella, se rendirent du Ghana à Lagos en avion en compagnie du provincial le 27 février 1951. "Durant la première semaine", écrivit Dempsey, "nous fumes confinés à Services Inn, une hôtellerie pour les missionnaires de passage. On nous y consigna pendant que le provincial, l'archevêque de Lagos et le délégué apostolique discutaient de notre avenir au Nigéria." Le 28 février, Mgr Taylor invita officiellement les dominicains à prendre en charge la mission de Yaba dans la périphérie de Lagos. Ṣ cette époque, celle-ci ne constituait pas encore une paroisse. "Le but de la venue des dominicains, écrivait l'archevêque, est d'établir un institut thomiste, comme le veut le délégué apostolique. Nous espérons que les dominicains prêcheront aussi des retraites au Nigéria et en Côte d'Or."

Les trois premiers frères arrivèrent à Yaba le 4 mars 195 1. Dès le début, ils observèrent les règles de la vie commune avec l'office complet selon les constitutions dominicaines. Pour affermir la présence de l'Ordre en Affique, ils obtinrent de la Congrégation des religieux que leur communauté soit formellement érigée en maison le 21 mai 1951.

Mgr Mathew n'avait pas oublié la proposition qu'il avait fait aux frères de leur confier une préfecture. Le 18 mai 195 1, il renouvela sa demande auprès du provincial. En juin, Lawton visita la province de Sokoto en compagnie de Watson, un membre de la Société des missions africaines. Ils rédigèrent un rapport sur le travail qui y attendait les dominicains. Le 21 décembre, le délégué apostolique réécrivit à Hughes pour le prier d'englober la province de Katsina dans la préfecture de Sokoto et demander l'aide de soeurs américaines. "Il est déterminé à ce que nous acceptions cette mission", notait le provincial dans une lettre. En janvier 1952, le conseil provincial donna un accord de principe à l'acceptation de la préfecture de Sokoto-Katsina.

Hughes prit alors contact avec la congrégation dominicaine de l'Immaculée Conception à Great Bend dans le Kansas et douze soeurs se portèrent volontaires pour aller travailler en Affique. Afin de voir ces territoires par eux-mêmes, Edward Hughes, Peter O'Brien, Mère Aloysia et Soeur Benigna entreprirent un voyage d'exploration. Arrivés à Lagos le 2 février 1953, ils virent Kaduna, Gusau, Sokoto, Katsina et Kano, d'où ils s'envolèrent pour Rome le 25 février. Tous furent d'accord pour se lancer dans l'aventure. Le 29 juin 1953, la préfecture apostolique de Sokoto fut établie et, le 15 janvier 1954, Thaddeus Lawton fut nommé préfet apostolique. Entre-temps, Mgr Mathew s'était vu accorder un autre poste. Avant son départ, il écrivit à Hughes le 1er juillet 1953:

La venue des dominicains au Nigéria constitue l'un des développements les plus importants ayant vu le jour durant mes années passées en Afrique.

De la maison de Yaba à la province du Nigéria

Au début, Yaba n'était guère plus qu'une maison de la province dont Michael Dempsey était le supérieur. Lors de l'établissement de la préfecture de Sokoto, les premiers frères étaient simplement assignés à Mgr Lawton. Comme on envoyait de plus en plus d'hommes dans le nord, le besoin se fit sentir de préciser leur relation à l'Ordre puisque Mgr Lawton faisait fonction d'évêque, ce qui le plaçait directement sous l'autorité du pape. Le 23 septembre 1957, Dempsey fut nommé vicaire provincial pour tous les dominicains du Nigéria. En référence à ce statut, le Nigéria fut appelé vicariat.

Ṣ cause du mauvais état des routes et des difficultés de communications, Victor Nadeau fut nommé vicaire pour la région du nord le 18 octobre 1951, laissant à Dempsey la responsabilité de la seule région du sud. Le 30 juin 1963, le nord et le sud furent unis en un seul vicariat sous l'autorité de Nadeau qui conserva les fonctions de vicaire provincial jusqu'à sa nomination comme recteur du principal séminaire d'Ibadan le 27 août 1965. Dempsey devint le nouveau vicaire provincial. Il s'installa dans le nord au début du mois de novembre. Entre-temps, en février 1965, l'Ordre des Prêcheurs avait été officiellement établi au Nigéria.

Lorsque Dempsey rentra en congé aux États-Unis le 20 janvier 1967, il fit de Giles Klapperich son vicaire pour la région du sud et de Bede Jagoe celui pour la région du nord. Il fut nomme évêque le 15 août 1967. Deux jours plus tard, Klapperich fut promu pro-vicaire provincial. On décida alors d'ériger la mission du Nigéria en vicariat provincial. L'organisation de celui-ci était modelée sur celle d'une province, mais il dépendait toujours de la province de Saint-Albert le Grand pour la confirmation des élections, l'approbation des statuts, etc. Les frères du vicariat se réunirent en mars 1968 pour une réunion préparatoire. Le premier chapitre vicarial se tint en trois sessions, du 2 au 6 décembre 1968, le 24 février 1969 et du 9 au 11 septembre 1969. Durant la seconde session, Bert Ebben fut élu vicaire provincial et son élection fut confirmée par le provincial.

Au début, les chapitres étaient convoqués tous les ans avec la participation de tous les profès solennels. Le deuxième chapitre se tint du 26 au 28 mai 1970, le troisième du 26 août au 2 septembre 1971, le quatrième du 12 au 14 septembre 1972 et le cinquième du 12 au 15 février 1973. Ce fut durant celui-ci que Ebben fut réélu et que l'on décida de tenir les chapitres tous les deux ans. Ebben abandonna sa charge avant la tenue du sixième chapitre du 28 avril au 2 mai 1975. Durant celui-ci, Ambrose Windbacher fut élu vicaire provincial. Il fut réélu en 1979 et Callistus Iheme prit sa succession le 25 février 1983.

En 1985, le vicariat du Nigéria fut érigé en vice-province et Iheme continua comme vice-provincial. Le 25 avril 1989, Gilbert Thesing fut élu vice-provincial. En 1993, le chapitre adressa une pétition au maître de l'Ordre pour ériger la vice-province en province. Cette demande fut acceptée et c'est ainsi que l'Afrique compta sa première province dominicaine, dont Chris Angelo Otuibe devint le provincial. Il fut remplacé à se poste par Thomas McDermott le 8 juillet 1997.

La paroisse de Yaba (2)

Lorsque les dominicains prirent le contrôle de la paroisse de Yaba, la région n'était qu'une brousse sauvage aux environs de Lagos. On y comptait une petite église de terre battue, une école de taille moyenne et un bâtiment de deux étages destiné aux frères. L'endroit était dédié à saint Patrick. En 1953, lorsque la paroisse fut confiée à l'Ordre de manière permanente, on lui donna le nom de Saint-Dominique.

A l'arrivée des frères, Lagos était une ville en pleine transformation. La population augmentait à un rythme rapide. L'église étant trop petite, le 31 juillet 1953 on retourna la terre pour commencer la construction d'un nouveau sanctuaire. La première pierre en fut posée le 13 novembre et l'église Saint-Dominique fut bénite par Mgr Leo Taylor, archevêque de Lagos, le 5 août 1956. En 1962, on commença la construction d'une nouvelle résidence face à l'entrée de l'enceinte. Elle fut occupée à la fin du mois de juin 1963. Le bâtiment original de la mission, au centre de l'enceinte, plus prestigieux mais inadapté, fut démoli à cette époque.

La croissance de la paroisse Saint-Dominique accapara tant d'énergie que les frères durent abandonner certaines de leur autres activités. L'institut thomiste, qui avait été si bien servi par Thaddeus Lawton, Arthur Kinsella, Victor Nadeau et James McHatton, se révéla peu adapté aux besoins de la jeunesse nigériane scolarisée. On avait plutôt besoin d'hommes dans les universités. Comme les dominicains n'avaient personne à leur disposition et que les jésuites américains possédaient le personnel adéquat, l'institut thomiste fut abandonné. Les dominicains ne disposant que de peu de temps pour les retraites, les jésuites les remplacèrent aussi dans ces fonctions.

Cependant, le public continuait à se montrer friand de programmes religieux à la radio. Aussi les frères maintinrent-ils leur contribution dans ce domaine. Les dominicains, Dempsey en particulier, rendirent également des services comme conseillers canoniques de l'archevêque de Lagos, Mgr Taylor, et de son successeur africain, Mgr Aggey, notamment pour les questions matrimoniales. Mgr Aggey fut ordonné en tant qu'évêque auxiliaire le 4 août 1957, puis fait archevêque le 27 octobre 1965. Il mourut le 13 mars 1972. Mgr Anthony Okojie lui succéda quelque temps après comme archevêque.

Afin de faire face aux problèmes sociaux croissants de la population, en particulier après la guerre civile, Stephen Lucas mit sur pied une clinique pour enfants et une agence pour l'emploi, Il conçut ensuite les plans pour un bâtiment de services sociaux qui fut financé par l'agence de développement allemande Misereor. La première pierre fut posée le l' octobre 1975. Le centre comportait une clinique, une bibliothèque pour les étudiants préparant leurs examens et des salles de réunion.

Un autre bâtiment fut édifié pour le stockage de livres et l'accueil des bureaux de la paroisse et de l'association Saint-Jude. Le projet suivant fut la construction d'une église d'une capacité de 2 500 personnes. La construction commença en 1990 et l'église fut consacrée en 1996. Un nouveau couvent de cinq étages fut inauguré en 1997 avant d'être béni par l'archevêque, Mgr Okojie, en 1998.

La paroisse Saint-Dominique fut d'abord dirigée par Michael Dempsey qui faisait à la fois office de supérieur et de pasteur. Il conserva cette position jusqu'à son départ pour Gusau comme vicaire provincial. Giles Klapperich lui succéda en 1965, Ambrose Windbacher en 1972, Colum Daley en 1975 et Richard Farmer en 1981. La maison Saint-Dominique devint couvent en décembre 1983. Richard Farmer en fut le premier prieur. En 1987, il fut remplacé en 1987 par Thomas McDermott. Celui-ci succéda à Farmer comme curé de la paroisse en 1990, tandis que Martin Aitsebaomo devenait le prieur. Il fut remplacé à ce poste par Peter Otillio en 1993 et par Paul Oye en 1996. Ce dernier démissionna en 1997 pour succéder à McDermott comme curé de la paroisse, tandis que Biodun Ademoye devenait prieur.

L'église Saint-Dominique, principal apostolat du couvent Saint-Dominique, constitue l'une des paroisses les plus grandes et les plus populaires du Nigéria, avec une communauté d'environ 40 000 membres. On y célèbre six messes chaque dimanche avec la participation de quelque 25 000 fidèles sans compter les célébrations dans les autres lieux de culte. La paroisse continue à grandir et constitue de loin l'apostolat dominicain le plus connu au Nigéria. La raison de ce succès est la qualité des sermons, la beauté des services et la précision de l'organisation du culte. Tous les samedis, entre six et dix prêtres écoutent les confessions de personnes venues de tous les quartiers de la ville.

En plus du ministère paroissial, le couvent est engagé dans des apostolats tels que la librairie Saint-Dominique, la clinique SaintDominique et l'apostolat de Saint-Jude. Un frère, Francis Isichei, enseigne à l'université de Lagos. Stephen Lucas, un frère coopérateur, a fondé plusieurs cliniques, écoles et autres services sociaux. Actuellement, quinze frères, dont le prieur provincial, résident au couvent. C'est là aussi qu'est situé le bureau provincial. Il y a de la place pour beaucoup d'autres apostolats.

Le diocèse de Sokoto

En 1953, les dominicains reçurent la responsabilité de la préfecture apostolique de Sokoto, qui faisait précédemment partie de l'archidiocèse de Kaduna. Dans cette région largement musulmane, la Société des missions africaines avait fondé un poste à Gusau où Thaddeus Lawton, le nouveau préfet apostolique, établit ses quartiers. Une nouvelle église fut édifiée en 1955. Thomas Martin supervisa la construction de la nouvelle résidence qui fut prête en septembre 1956 pour une occupation temporaire par les soeurs dominicaines qui venaient d'arriver. La maison des soeurs avec dispensaire et maternité fut terminée l'année suivante.

La préfecture de Sokoto fut érigée en diocèse en 1963. Mgr Lawton établit sa cathédrale à Sokoto, la capitale de la province, où les dominicains avaient une maison depuis 1957. Yelwa fut fondé en 1958 avec un hôpital dirigé par les soeurs dominicaines, Funtua en 1960 et Malumfashi avec un dispensaire des soeurs en 1962. L'église de Katsina fut bâtie en 1958 mais ce ne fut qu'en 1964 qu'un prêtre, Colum Daley, vint s'y installer.

Le 7 juillet 1963, alors qu'il assistait à l'ordination d'Anthony Okonkwo, le premier prêtre issu de la préfecture apostolique, Mgr Lawton souffrit d'une crise cardiaque provoquant un blocage artériel dans la jambe. Il rentra aux États-Unis le 11 septembre pour s'y reposer (un mot bien peu adapté à son comportement habituel). Il retourna au Nigéria le 29 février 1964.

Le 6 juin, la préfecture apostolique de Sokoto fut érigée en diocèse et Mgr Lawton y fut nommé évêque. Il fut consacré à Sokoto le 15 août. Il prit part aux deux dernières sessions du concile Vatican Il. Ses responsabilités collégiales l'entraînèrent à voyager au Nigéria et à l'étranger pour y prêcher et participer à des réunions. Ce fut lors d'un de ces voyages, alors qu'il quittait Sokoto pour Kaduna le 19 décembre 1966, qu'il mourut d'une nouvelle crise cardiaque, dans sa voiture, à environ trente-cinq kilomètres de la ville. Il venait de terminer un rosaire "pour le bon déroulement de son voyage".

Michael Dempsey fut ordonné évêque de Sokoto le 15 août 1967 à l'église Saint-Pie de Chicago. Il retourna au Nigéria le 27 septembre. Dès son arrivée au Nigéria, il commença un cycle de prédications. Plus que quiconque, il était sollicité pour prêcher aux occasions importantes. Mais il était aussi l'homme à nettoyer les toilettes de ses frères au retour d'une mission. Après avoir demandé à plusieurs reprises d'être relevé de son diocèse, il fut déchargé de son poste en 1985 et rentra aux Etats-Unis. Il mourut à Denver le 19 mars 1996.

Ṣ Sokoto, les frères travaillaient principalement avec les catholiques du sud. Peu à peu, du fait de l'absence des gens du sud durant la guerre civile (1966-1970), ils prirent contact avec la population autochtone, à Malumfashi et Yelwa en particulier, et une assez importante communauté autochtone catholique fut établie.

Aujourd'hui, à l'exception de Gusau qui fut confié aux dominicains de manière permanente, toutes les paroisses du diocèse de Sokoto sont retournées à l'évêque. Au début, Mgr Lawton était defacto le curé de Gusau tandis que Victor Nadeau était le supérieur de la communauté en même temps que de tous les dominicains du diocèse. En 1961, Colum Daley fut nommé supérieur local, une charge qui passa à James McHatton en 1962, à Richard Farmer en 1963, à Bert Ebben en 1967, à Justus Pokrzewinski en 1969, à Callistus Iheme en 1979, à Igba Vishigh en 1983, puis à Colum Daley en 1989. On sépara ensuite les charges de curé et de supérieur. Daley demeura curé et Matthew Uwaya devint le supérieur en 1992. Matthew Uwaya fit fonction de curé en 1994 lorsque Colum Daley tomba malade. Il fut formellement nommé à ce poste en 1995 avant de passer la relève à Peter Otillio en 1997, lorsque Uwaya rejoignit la communauté d'East London en Afrique du Sud. Thomas Macauley devint supérieur en 1995, suivi par Charles Ukwe en 1997.

Gusau était une paroisse essentiellement urbaine, attirant principalement les catholiques originaires des états du sud. Il en allait même des postes de mission attachées à la paroisse dans les autres villes de l'état de Zamfara. La population de cet état est majoritairement musulmane mais il existe deux postes de mission pour les catholiques autochtones. C'est un véritable défi que de développer ces communautés autochtones tout en cherchant à établir un dialogue avec les musulmans. Le plus difficile est de parvenir à éduquer les immigrés catholiques pour qu'ils participent à ce dialogue.

Le séminaire d'Ibadan

La présence des dominicains à Ibadan remonte à 1965 quand Victor Nadeau y fut nommé recteur du séminaire Saints-Pîerre-et-Paul. John Connel l'y rejoignit bientôt, suivi de Matt Walsh en 1967 et de Kenneth Harkins en 1968. Nadeau démissionna de son poste (et quitta l'Ordre) en 1969. Jusqu'à ce jour, les frères ont continué à enseigner au séminaire, tout en étant membres de la communauté dominicaine.

L'université d'Ife

En septembre 1967, Richard Farmer devint professeur de philosophie à l'université d'Ife, à Ile-Ife dans l'état d'Osun, tout en assumant les fonctions d'aumônier d'étudiants. C'est ainsi que s'inaugura la présence dominicaine dans cette région. Greg Moore le rejoignit la même année mais il quitta Ile-Ife quelque temps plus tard. Farmer partit pour Yaba en 1979. Il fut remplacé par Gilbert Thesing et par lheanyi Enwerem en septembre 1980. Aniedi Okure résida à Ile-Ife depuis 1981 jusqu'à son départ pour l'université de Boston en 1986. A la nomination de Thesing comme vice-provincial en avril 1989, Callistus Iheme devint aumônier et Dokun Oyeshola supérieur. En 1993, Tony Amoako-Attah arriva à Ife-Ife. Il remplaça lheme en 1995 quand celui-ci se rendit à Agbor.

Des dominicains enseignent dans quatre universités du pays, mais l'université d'Obafemi Awolowo à Ile-Ife est la seule où l'Ordre dispose d'une communauté et d'une aumônerie d'étudiants. En ce moment, Dokun Oyeshola enseigne au département des relations internationales et Tony Arnoako-Attah est l'aumônier des étudiants catholiques. Cette combinaison est idéale pour toucher tous les secteurs de l'université. Les deux hommes ont travaillé de conserve pour raviver la vie catholique sur le campus.

L'expansion de l'Ordre

Ṣ l'époque où les premiers dominicains arrivèrent au Nigéria, l'idée dominante, tant parmi les autorités de Rome que dans le pays, était que les missionnaires devaient encourager les vocations pour le clergé diocésain et non pour leur propre ordre ou congrégation. Vers 1960, cette manière de voir les choses changea et on encouragea les divers ordres à s'enraciner dans les régions nouvellement évangélisées pour mettre à profit leur caractère international et pour faire bénéficier l'Église locale du charisme de la vie religieuse.

Les dominicains du Nigéria ont toujours encouragé les vocations au clergé diocésain et à la vie religieuse féminine. Ce n'est qu'en 1961 qu'ils commencèrent à recruter pour leur ordre. Lors d'une réunion en mars 1961, la décision fut prise d'envoyer au petit séminaire desjeunes garçons attirés par la vie dominicaine. Cette année-là sept d'entre eux furent envoyés à Barakin Ladi près de Jos; d'autres y furent envoyés les années suivantes ainsi qu'au petit séminaire d'Ibadan. Peu de temps plus tard, cependant, les frères choisirent d'envoyer leurs candidats à une école secondaire dominicaine, l'école Saint-Thomas d'Aquin. Mais ce projet ne vit jamais le jour et, en 1966, l'option fut prise de recruter parmi les élèves ayant déjà obtenu un certificat d'études secondaires et ayant eu la moyenne dans un certain nombre de matières. Notons que parmi les jeunes garçons envoyés dans des petits séminaires, trois devinrent dominicains.

Par ailleurs, des candidats qui possédaient déjà les qualifications scolaires requises pour le noviciat se présentèrent. De Lagos à Gusau et de Chicago à Rome, tout le monde se creusa la tête pour savoir qu'en faire. On estima finalement que l'Angleterre serait le pays le moins étranger aux Nigérians et un premier candidat, Ebere Uzosike, se rendit en septembre 1961 dans le Gloucestershire pour y faire son noviciat. Ce premier essai fut un échec. On essaya alors la province mère aux États-Unis. Le candidat suivant, Alexander Okanlawon, fut envoyé à Winona en septembre 1962. Il termina son noviciat et fit profession simple mais abandonna la vie religieuse au bout de deux ans. Youssef El-Naggar, un Égyptien qui avait rencontré les frères au Liban et désirait travailler comme dominicain au Nigéria, commença son noviciat à Winona le 15 août 1963, mais il abandonna, lui aussi, durant sa troisième année à River Forest. Ces expériences négatives montrèrent qu'il fallait établir un noviciat et une maison d'études au Nigéria.

Entre-temps, des démarches avaient été entreprises pour l'ouverture d'un noviciat pour frères coopérateurs. On estimait que ces derniers n'avaient pas besoin d'un cours approfondi de théologie. Le 13 juin 1963, Hilary Carpenter, le secrétaire des missions de l'Ordre, donna à la province de Saint-Albert le Grand la permission d'ouvrir un noviciat à Yaba. Trois candidats, qui attendaient cette opportunité depuis longtemps, furent reçus comme novices le 6 octobre 1963 sous la tutelle de Greg Moore, le maître des novices. En juin 1964, celui-ci fut remplacé par Ambrose Windbacher. Le 7 octobre 1964, les trois candidats firent profession simple. Un seul d'entre eux, Chukwunonye Osunwoke, persévéra jusqu'à la deuxième profession simple et les voeux solennels.

D'autres postulants arrivèrent ensuite, parmi lesquels deux furent admis au noviciat le 24 mai 1965. Un seul de ceux-ci, Clement Tyulen, fit profession solennelle; il fait maintenant partie de la communauté de Gusau. De 1964 à 1966, neuf autres postulants arrivèrent et repartirent. Aucun ne fut accepté pour le noviciat durant les mois de troubles en 1966 mais vers la fin de 1967 et en 1968 six autres postulants arrivèrent. Un seul d'entre eux entra au noviciat qui, à cette époque, se tenait à Ibadan.

La communauté d'Ibadan

Ibadan ne fut pas le premier choix pour le noviciat. En octobre 1964, alors que le noviciat commun aux frères cléricaux et coopérateurs n'existait pas encore, on fit une enquête pour déterminer le site idéal pour le noviciat clérical. Mgr Lawton préférait Zaria; Dempsey penchait pour Lagos; Moore et Nadeau recommandaient la région de l'est, où Mgr Whelan avait invité l'Ordre à venir installer le noviciat. Lors d'une réunion qui se tint en janvier 1966, on décida de commencer le noviciat clérical à Gusau avec Justus Pokrzewinski comme maître des novices. Le noviciat pour frères coopérateurs devait être maintenu à Yaba, avec Ibadan, où certains des frères enseignaient déjà au séminaire, comme maison d'études. On empila des parpaings en prévision de la construction des bâtiments du noviciat de Gusau mais les émeutes du 29 mai, qui précédèrent la guerre civile, mirent fin abruptement au projet.

En juillet 1966, après un contacta avec Dempsey, Mgr Richard Finn, l'évêque d'Ibadan, invita les dominicains à établir leur noviciat dans sa ville et il leur offiit un terrain proche de l'université. On demanda à Greg Moore, qui occupait les fonctions de directeur de mission à Chicago, de revenir au Nigéria pour y fonder la maison d'Ibadan. Ṣ son arrivée à Yaba, le 3 mars 1967, Moore partit en reconnaissance pour Ibadan et, à la fin du mois de juillet, il emménagea dans une maison louée au 30 de l'avenue Kudeti en compagnie de Matt Walsh, qui enseignait toujours au séminaire. Un groupe de postulants les rejoignit peu après. Le 10 janvier 1968, après avoir obtenu le feu vert des congrégations de la propagande de la foi et des religieux, le maître de l'Ordre, Aniceto Fernandez, érigea formellement la communauté d'Ibadan en maison pour le noviciat commun des frères cléricaux et coopérateurs. Moore fut nommé maître des novices.

Le 2 février 1968, trois postulants cléricaux furent acceptés au noviciat. Deux d'entre eux, John Nwanze et Callistus Iheme, firent profession foi et furent ordonnés.

Début avril 1968, Daley vint aider la communauté. Ṣ la même époque, Moore, estimant sa tâche trop prenante, demanda à être relevé de ses fonctions. Walsh fut nommé supérieur tout en étant maître des novices. Edward Riley arriva en septembre 1968 pour enseigner au séminaire. Il demeura membre de la communauté dominicaine pendant une très longue période. En février 1969, la communauté emménagea dans une autre maison à Kongi, près du séminaire Saints-Pierre-et-Paul, où les frères étudiants commencèrent leurs cours.

Le 15 août 1969, un nouveau groupe, combinant pour la première fois des candidats cléricaux et coopérateurs, commença le noviciat. Un seul membre de ce groupe, Jude Mbukanma, fit profession. Comme les frères demandaient une attention particulière, Riley fut nommé maître des étudiants et directeur des études.

Le 7 mars 1970, Mgr Finn offrit aux dominicains un terrain près de l'université d'Ibadan. Le 9 novembre 1970, la communauté s'installa dans l'hôtellerie. Le 7 décembre 1970, on accueillit un autre groupe de novices. Trois d'entre eux firent profession: Ayo Atoyebi, Chukwubikem Okpechi et Nzamujo Ugwuegbulam. Ce dernier prononça ses voeux solennels au Dahomey (aujourd'hui République du Bénin) et fut ordonné en décembre 1975. Il devait être plus tard transfilié à la province de Lyon. Au début de 1971, la communauté emménagea dans la section du noviciat qui venait d'être terminée. Elle y occupa le rez-de-chaussée le 26 août 1971, au moment où commença le troisième chapitre du vicariat. La section supérieure pour les étudiants fut prête en septembre 1973.

Le 19 novembre 1971, un groupe de huit étudiants débuta son noviciat. Un autre étudiant les rejoignit dans le courant du même mois, puis un dixième en décembre. Cinq d'entre eux firent profession, mais l'un d'eux abandonna au bout d'une année. Les quatre étudiants restant, Daniel Chiezey, Ifeanyi Enwerem, Chris Angelo Otuibe et Igba Vishigh, firent profession solennelle le 13 février 1976.

Le 3 septembre 1972, cinq nouveaux candidats furent acceptés pour le noviciat. Tous firent profession. Le seul qui poursuivit jusqu'à la profession de foi solennelle fut Lawrence Dokun Oyeshola. En 1973, trois novices furent admis, dont aucun ne fit profession.

Il fallait davantage de frères pour subvenir aux besoins de cette communauté en expansion. Gilbert Thesing qui arriva en janvier 1971 pour étudier la théologie, contribua aussi à l'entretien et à la gestion économique de la maison, Joseph Kenny fut envoyé à Ibadan en septembre 1971. Il y résida à temps partiel, tout en enseignant au séminaire. Greg Moore arriva en janvier 1972 et remplaça Edward Riley comme maître des étudiants. En septembre 1972, James Brendan Kelly lui succèda dans cette fonction, tandis que Moore devenait le supérieur de la maison. Thomas Martin fut économe de septembre 1972 à septembre 1974. Le 29 janvier 1974, Bede Jagoe devint le premier prieur du nouveau couvent, tandis que Moore partait pour Malumfashi. Columba McGarry fut économe d'octobre 1974 à mai 1975 ; après un séjour dans la région nord, il reprit son poste en 1979.

Durant tout ce temps, la communauté bénéficia de la présence de plusieurs enseignants et prédicateurs en visite dans le pays, notamment Frank McNutt et son équipe, Jordan Aumann, Jacques Jomier de l'Institut dominicain du Caire et Tom O'Meara.

Le 13 mars 1975, Vincent de Couesnongle, maître de l'Ordre, baptisa la chapelle de la communauté d'Ibadan et, le 31, Mgr Dempsey ordonna Gilbert Thesing, John Nwanze et Callistus lheme, les premiers dominicains à être ordonnés prêtres au Nigéria.

Après Bede Jagoe, les frères suivants furent élus prieurs: Gilbert Thesing (1977), Justus Pokrzewinski (1980 et 1983), Peter Otillio (1986 et 1989), Chukwubikem Okpechi (1992), Gilbert Thesing (1995) et Peter Otillio (1998).

Les maîtres des novices qui succédèrent à Matt Walsh furent James Brendan Kelly en 1975, Edward Riley en 1977, Chukwubikem Okpechi en 1979, Ayo-Maria Atoyebi en 1983, Lawrence Agu en 1992 (lorsque Ayo Atoyebi fut nommé évêque d'Ilorin) et Justus Pokrzewinski en 1997.

Les maîtres des étudiants qui succédèrent à James Brendan Kelly furent Gilbert Thesing en 1975, Tony Kilbridge en 1977, Chukwubikem Okpechi en 1983, Tony Amoako-Attah en 1989, Clement: Dioka en 1993 et Ignatius Madumere en 1997.

Depuis l'arrivée des dominicains au Nigéria, deux cent cinquante candidats ont été accepté au noviciat, dont vingt-huit appartenant à d'autres entités. Soixante-dix-sept ont fait profession et quarante-quatre ont été ordonné prêtres. (3)

A l'origine le modérateur des études était Edward Riley. Sa tâche consistait à encadrer le travail des étudiants dominicains qui suivaient les cours au séminaire Saints-Pierre-et-Paul. Richard Farmer prit la relève en 1975 tout en continuant à résider à Ile-Ife. Quand, à la requête du maître de l'Ordre, Vincent de Couesnongle, l'Interafricaine dominicaine recommanda la création d'une école de théologie à Ibadan en 1976, Joseph Kenny fut nommé modérateur des études et coordinateur du projet théologique. Lorsque ce projet échoua et que Kenny joignit l'université d'Ibadan en 1979, Edward Riley redevint le modérateur des études. En 1983, Jude Mbukanma prit sa place. Ṣ la fondation de la vice-province en 1985, il prit le titre de régent des études.

En 1989, Joseph Kenny reprit sa fonction de modérateur des études doublée cette fois de celle de régent. Le chapitre de 1989 nomma Iheanyi Enwerem à ces mêmes fonctions en leur ajoutant celle de président de l'Institut dominicain. L'affiliation de cet établissement à l'université d'Ibadan, qui avait été longtemps retardée à cause de grèves, fut finalement approuvée en août de cette même année. Lorsque Tony Akinwale revint de Boston à Ibadan en octobre 1996, il fut nommé modérateur des études. Le chapitre de 1997 divisa ces responsabilités académiques entre trois frères : Joseph Kenny comme régent, Tony Akinwale comme modérateur des études et lheanyi Enwerem comme président de l'Institut dominicain.

L'Institut dominicain

Le maître de l'Ordre, Timothy Radcliffe a décrit l'établissement de la province dominicaine du Nigéria et la création de l'Institut dominicain comme deux événements parmi les plus marquants de la récente histoire dominicaine en Mique. Le but de cet institut n'est pas simplement de fournir une formation universitaire de base aux frères mais il est aussi de servir de centre intellectuel à la province et d'exercer une influence au Nigéria et dans le reste du monde.

Ce projet a déjà en partie été réalisé grâce aux cours mensuels sur la vie intellectuelle qui sont devenus une attraction pour les professeurs de l'université d'Ibadan et des autres institutions tertiaires de la ville. Le but des premiers dominicains au Nigéria, qui était d'y établir un institut thomiste, a donc été réalisé.

La fondation de l'Institut dominicain a constitué une réponse non seulement aux voeux des dominicains mais aussi à ceux des autres ordres et congrégations: les rédemptoristes, les missionnaires d'Afrique, les capucins, les bénédictins et d'autres ordres ayant l'intention d'envoyer des étudiants à Ibadan. Comme l'Institut dominicain est une école et non pas un séminaire, certaines religieuses y ont également été admises.

L'affiliation de l'Institut dominicain à l'université d'Ibadan concerne le diplôme de quatrième année de licence en philosophie et un autre diplôme qui combine cette matière et les sciences religieuses. Un enseignement de théologie est offert depuis octobre 1996. Il est reconnu par à l'université Duquesne aux États-Unis depuis 1997. Cette reconnaissance permettra aux étudiants de l'Institut d'obtenir la maîtrise à la fin de leurs cours.

Ṣ l'exception d'un missionnaire d'Afrique, tous les enseignants à plein temps de l'Institut sont des frères de la province du Nigéria. Des frères chargés d'autres tâches, enseignant à l'université d'Ibadan ou engagés au séminaire Saints-Pierre-et-Paul, y enseignent à temps partiel.

Présence de l'Ordre au Ghana

Depuis l'arrivée des premiers frères en 1951, le ministère paroissial a constitué une des préoccupations majeures de la province. Ce type d'apostolat s'étend jusqu'au Ghana. En mai 1971, Tony Kilbridge fonda une paroisse dans le diocèse de Kumasi. Le presbytère accueillait les frères en transit dans l'attente d'un visa. Cette paroisse fut rendue à l'évêque en octobre 1975 quand Kilbridge partit pour le Nigéria.

En juin 1992, les dominicains prirent en charge la paroisse Saint Martin de Porres à Atonsu-Agogo, dans l'agglomération de Kumasi. Emmanuel Ogu et Stephen Owusu-Achaw en furent les premiers pasteurs. La communauté fut érigée en maison en septembre 1993. Le Ghana a fourni un grand nombre de vocations à la province du Nigéria. C'est un territoire plein de promesses. Il est question maintenant de fonder une maison à Accra en complément de celle de Kumasi.

Le ministère paroissial

Le 2 février 1985, les dominicains prirent en charge la paroisse de Saint-Patrick à Agbor-Obi dans l'état du Delta et les postes de mission y attenant. Chukwubikem Okpechi, le premier curé et supérieur, était assisté d'Iheanyi Enwerem. et de Colum Daley. Daley remit le presbytère en état. John Nwanze fut nommé curé en 1992 et Charles Ukwe supérieur en septembre 1993 quand la communauté fut érigée en maison.

La paroisse Saint-Jude de Mafoluku à Lagos, près de l'aéroport international Murtala-Muhammad, fut confiée aux dominicains en octobre 1989. Justus Pokrzewinski y fut nommé curé et supérieur, assisté de Nichodemus Ugwu. C'est là que résidait le vice-provincial, Gilbert Thesing. La communauté fut formellement érigée en maison le 5 février 1990. Elle dessert la mission de Saint-Pierre-Claver dans le domaine d'Ajao et la chapelle de l'aéroport en cours de construction.

En 1994, les dominicains prirent en charge la paroisse de Tous-les-Saints à Oyigbo dans le diocèse d'Aba. Il s'agit d'une très vaste paroisse avec neuf postes de mission. Charles Ukwe fut le premier dominicain à y être nommé curé. La communauté fut formellement érigée en maison en 1997.

En mai 1992, le dominicain Ayo-Maria Atoyebi fut ordonné évêque d'Ilorin. En 1996, ce vaste diocèse fut amputé du territoire Borgou qui constitua une préfecture indépendante. Les catholiques y sont peu nombreux et les conditions économiques extrêmement défavorables. En 1830, Ilorin devint un émirat du caliphat de Sokoto. Les musulmans dominent la ville mais ils entretiennent des relations cordiales avec les chrétiens. En dehors de l'évêque, Jude Mbukanma est le seul frère qui réside à Ilorin depuis 1996.

Depuis l'arrivée des frères au Nigéria, les paroisses dominicaines ont été caractérisées par leur créativité et un grand nombre de fidèles. Ce résultat est dû à la qualité de la prédication, à l'efficacité de l'organisation, à la régularité des services religieux, à la conscience liturgique, à l'insistance mise sur les contributions volontaires plutôt que sur les contributions imposées et aux relations entretenues avec la population.

Quand les frères travaillaient dans le diocèse de Sokoto, l'évangélisation de base recevait la priorité. Des hommes tels que Carson Champlin, Joseph Kenny, Bruno Kowalkowski et Lawrence Agu menèrent cette tâche difficile. Elle impliquait la traduction de la Bible en langue vernaculaire, le développement d'une musique d'église autochtone, la construction d'églises, l'enseignement du catéchisme et le soutien à des projets de développement comme le forage de puits, l'enseignement de l'hygiène et l'alphabétisation. De nombreux frères s'engagèrent dans ces activités avec le concours des soeurs.

Le mouvement charismatique

Pratiquement tous les frères sont appelés, à un moment ou un autre, à conduire des retaites à l'intention des prêtres ou des religieux des paroisses. Certains comme Jude Mbukamna et Augustine Momoh organisent des séminaires ou des rassemblements charismatiques.

Le mouvement charismatique s'est développé au Nigéria par l'intermédiaire des dominicains. Bert Ebben fonda un groupe de prière à Ibadan au début des années soixante-dix. Le mouvement s'amplifia après la visite de Frank McNutt et de son équipe en 1974. Depuis lors, il s'est étendu à tout le Nigéria.

Relations entre chrétiens et musulmans

Mgr Lawton, dont le diocèse comptait un nombre important de musulmans, s'interrogeait sur la conduite à adopter à l'égard de ces derniers. En 1961, une visite Mgr Sergio Pignedoli, le délégué apostolique, l'encouragea à aller de l'avant. N'ayant trouvé personne qui fût bien informé sur l'islam au Nigéria, le prélat demanda aux dominicains de trouver des experts. C'est alors que Mgr Lawton fit appel aux dominicains du Caire. Le premier frère pressenti, Georges Anawati, ne put venir faute de visa. Il fut remplacé par Jacques Jomier qui, au terme d'une série de visites, recommanda que deux frères de la province de Saint-Albert le Grand se spécialisent dans l'étude de l'islam.

En 1964, Mgr Lawton fit savoir aux étudiants dominicains de Dubuque qu'il cherchait des candidats pour l'étude de l'islam et le travail missionnaire. Joseph Kenny, qui venait d'être ordonné et terminait ses études, se porta volontaire. Il partit pour le Nigéria en novembre 1964, y apprit le hausa et développa une certaine expérience pratique. En 1966, il partit étudier à l'Institut pontifical des études arabes. Il passa une autre année en Tunisie pour y apprendre l'arabe avant de se rendre à Edimbourg qù, en 1970, il compléta un doctorat en arabe et en études islamiques. A la même époque, Jim Kelly termina sa maîtrise d'études africaines avec une spécialité en droit musulman à I'École des études orientales et africaines de Londres.

Les exigences du travail pastoral ainsi que la xénophobie des musulmans de Sokoto ne permirent aux frères que des contacts limités avec l'islam. Kenny n'en poursuivit pas moins ses recherches et ses publications, notamment après son engagement à l'université d'Ibadan en 1979. Quelques années plus tard, Igba Vishigh se rendit à Rome pour y étudier l'arabe et l'islam avant de commencer un doctorat à l'université de Jos où il enseignait, En 1996, Segun Taiwo commença, lui aussi, des études à l'Institut pontifical des études arabes et islamiques (PISAI) à Rome. La même année, Frédéric Mvumbi, un étudiant dominicain du Congo, passa une maîtrise sur l'islam sous la direction de Joseph Kenny à l'université d'Ibadan. Il y enseigne en ce momnent, tout en travaillant à son doctorat.

Les dominicains et les arts

En 1969, Chukwunonye Osunwoke, qui était tailleur de sa profession, fut assigné à Ibadan. Il se mit à confectionner des habits liturgiques ainsi que des vêtements de mode qui rencontrèrent un grand succès. Il engagea des apprentis et son affaire prit de l'extension. Mais quand il partit aux Etats-Unis en 1977 pour assister au chapitre provincial et y poursuivre des études, la communauté d'Ibadan éprouva de la difficulté à gérer son atelier qui était par ailleurs la cible fréquente de voleurs. Celui-ci fut donc fermé et mouvert plus tard à Mafoluku, sous la gestion de Paul Keteh. C'est là que, sous le nom de Dominican Arts, il a continué à prospérer.

Il est de tradition au Nigéria que les novices jouent une pièce le jour des Saints Innocents. Certains de ces spectacles ont connu un grand succès, surtout quand les novices étaient formés en art dramatique. Plusieurs enseignants ou étudiants du département d'art dramatique de l'Université d'Ibadan apportèrent leur aide à ces spectacles dont certains fùrent joués à l'université. Ajoutons que Justus Pokrzewinski et Joseph Kenny tinrent les rôles principaux dans plusieurs films, entourés d'autres acteurs étudiants.

Les dominicains se sont aussi investis dans le domaine de la musique. Plusieurs frères d'entre eux ont pris une part active à la composition de chants liturgiques. Ils se sont impliqués dans des récitals de chant choral et ont donné des prestations en soliste dans la chapelle du couvent durant plusieurs années. Quelques frères ont participé à des concerts à l'université d'Ibadan. Joseph Kenny, enfin, a donné un récital de piano à Ibadan et à Lagos.

Mentionnons encore les costumes de cérémonie et les sculptures murales créés par Kenneth Nkadi à Ibadan. Dans la même ville, l'église et le cloître, conçus par Demas Nwoko, constituent une oeuvre d'art qui attire des visiteurs de tout le Nigéria et de l'étranger.

Les publications

Ṣ Yaba, à l'arrivée des frères, Stephen Lucas géra une librairie et imprima plusieurs ouvrages populaires sur la foi catholique. Vu l'accroissement des besoins de publication, Thomas McDermott fut nommé à la direction des publications dominicaines en 1989. En 1994, il demanda à être relevé de cette fonction pour se consacrer à la construction de l'église de Yaba et Joseph Kenny prit sa succession. Durant ces dernières années, des ouvrages académiques ont été publiés au gré des possibilités financières et se sont ajoutés aux publications plus populaires.

Le service des publications dominicaines proposent aussi des audiocassettes. C'est Ambrose Windbacher qui s'est principalement chargé de cette production.

Agriculture et développement

Lorsque Chukwunonye Osunkowe rentra à Ibadan en 1986, il créa une ferme dominicaine où sont élevés des cochons, des chèvres, des moutons, des poules et des lapins et qui produit diverses récoltes. C'est dans le cadre de ce projet que la province acquit un terrain au nord de Moniya pour y créer des bassins de poissons et des champs de culture. Après le départ de Chukwunonye pour Yaba en 1996, un employé laïc reprit la direction de la ferme.

Lancée par Joseph Kenny en 1993, l'apiculture est une des autres activités de cette ferme. Le nombre de ruches a augmenté de manière régulière. Les prénovices participent à la récolte qui coïncide avec la période du prénoviciat. La mîse en bouteille du miel rapporte plus d'argent à la communauté que le salaire de Kenny comme professeur à l'université d'Ibadan.

Grâce à leurs hôpitaux, leurs cliniques et leurs dispensaires de brousse, les soeurs dominicaines du diocèse de Sokoto jouent un rôle important dans le développement de la région. Elles continuent à s'impliquer dans des projets sociaux à Zuru et Agbor. Bruno Kowalkowski s'est beaucoup impliqué dans un programme de dêveloppement destiné aux populations de la région de Malumfashi. Le projet consiste à construire des puits pour améliorer les conditions sanitaires de la population.

A Yaba, Stephen Lucas a fourni un travail remarquable en ce qui concerne la mise en place de cliniques et d'autres services sociaux pour la population. Grâce à sa formation en psychologie et à ses connaissances en formation pastorale et clinique, Chukwunonye Omnwoke peut s'occuper des personnes présentant des problèmes mentaux.

Ṣ Ibadan, Edward Riley dirige un service chargé d'assister les destitués et les personnes souffrant de troubles mentaux. Il aide ceux qui ont été abandonnés de tous à mener une existence normale.

Missions étrangères et coopération interafricaine

Après avoir terminé son doctorat à Washington, Chris Egbulern demeura aux États-Unis pour y enseigner et apporter son aide à des programmes destinés aux Afro-Américains. En 1994, un premier contact fut officiellement établi entre la province du Nigéria et le diocèse d'Harrisburg en Pennsylvanie en vue de l'envoi de frères pour le ministère paroissial. Trois frères, qui ne vivent pas en conununauté, travaillent dans le diocèse. En 1995, un autre frère, John Nwanze, fut envoyé au diocèse de Seattle.

La même année, la province du Nigéria conclut un accord avec le diocèse de Port Elizabeth en Afrique du Sud pour la prise en charge d'une paroisse à East London, une petite ville située sur l'Océan indien. Trois frères, sous la direction de Chukwubikern Okpechi, s'engagèrent dans ce projet. L'expérience fut poursuivie pendant trois ans.

La coopération interafricaine est une autre expression du souci de la province du Nigéria pour les missions étrangères. Dans les années quatre-vingts, plusieurs étudiants de la province étudièrent la théologie à Kinshasa pendant qu'Ibadan accueillait des frères du Zaïre, du Rwanda-Burundi et d'ailleurs. Ajoutons que Joseph Kenny a enseigné pendant plusieurs années aux Facultés catholiques de Kinshasa tout en résidant dans la communauté de Limete.

Émeutes et guerre civile au Nigéria

Ṣ l'indépendance du Nigéria en 1960, les dominicains, qui étaient tous américains, eurent à travailler dans un pays gouverné par des Nigérians. Ṣ cette époque, les soins de santé et l'enseignement étaient quasi exclusivement aux mains des missions chrétiennes. Cependant, les Nigérians au pouvoir n'étaient pas le produit d'écoles chrétiennes et le christianisme n'était pas leur religion. C'étaient des musulmans du nord. Les Britanniques leur avaient légué la direction de la région du nord, qui elle-même contrôlait la fédération du Nigéria. Rapidement, le sardauna de Sokoto et le premier ministre de la région du nord se lancèrent dans une croisade (jihad) visant à "promouvoir le Coran jusqu'à la mer". Une lutte religieuse et tribale était ainsi enclenchée.

Les premières violences eurent lieu dans la foulée du coup d'état de 1966 et furent suivies de "progroms" contre les Igbos et d'attaques sur les églises dans le nord avant la sécession du Biafra et la guerre civile. La victoire fédérale fut marquée par la politique de réconciliation avec les Igbos du général Yakubu Gowon et par la reprise en main des écoles religieuses et des hôpitaux, On annonça aussi (mais cette décision n'entra jamais en vigueur) la construction d'une mosquée dans chaque village du pays. Les missionnaires étrangers se virent systématiquement refuser, ou tout au moins retarder, l'obtention de visas d'entrée au Nigéria.

Depuis longtemps, l'Église catholique avait promu les vocations autochtones et, au début des années soixante, elle avait aussi favorisé l'implantation des ordres religieux au Nigéria. Le programme dominicain de vocations était déjà bien avancé lorsque la guerre civile prit fin en 1970. La situation restait cependant difficile en l'absence de nouveaux missionnaires et en raison de l'augmentation des tâches à accomplir à Yaba et dans le diocèse de Sokoto. En 1975, les premières ordinations apportèrent un certain répit.

Entre la fin des années 1970 et le début des années 1990, plusieurs émeutes à caractère religieux éclatèrent dans le nord du pays. Au début, on pensait avoir affaire à une répétition des événements de 1966 lorsque les chrétiens avaient pratiquement été menés à l'abattoir. Mai ceux-ci apprirent à se défendre et les dernières émeutes invitèrent le musulmans à plus de prudence. Un autre facteur dans la disparition de violences religieuses fut la désillusion vis-à-vis du gouvernement.

Les espoirs naquirent et moururent au sein des divers partis rivau lors du coup d'état de Murtala Muhammad en 1976, de la tentative d prise de pouvoir par Dimka et de l'avènement d'Olusango Obasanjo la même année. Il y eut ensuite la proclamation de la second république sous le gouvernement du président Shehu Shagari en 1978. Le coup d'état de Mohammed Buhari le 31 janvier 1985, cel d'Ibrahim Babangida en 1986, l'annulation de l'élection de Mosho Abiola le 12 juin 1992 et la douteuse passation de pouvoirs à Erne Shonekan en 1993, puis à Sani Abacha en 1994, dégoûtèrent la population des coups d'état et la laissèrent de plus en plus déçue par ce que le gouvernement pouvait suggérer. Alors que l'économie s'effondrait et que le nombre de vols à main armée ne cessait d'augmenter, les chrétiens et les musulmans se rendirent compte qu'ils étaient les victimes des meneurs qui exploitaient leurs religions pour ks diviser et ainsi mieux régner ne servant que leurs seuls intérêts. Depuis la mort d'Abacha en 1998 et l'élection d'Obasanjo à la tête de l'Etat, le Nigéria a retrouvé une certaine respectabilité, mais il s'en faut de beaucoup que les problèmes du régime précédent, la corruption et les tensions ethniques en particulier, soient tous résolus.

Les dominicains s'intéressèrent de près à tous ces événements et apportèrent leur contribution à la promotion de la paix et de la sécurité. L'ouvrage du dominicain Iheanyi Enwerem A Dangerous Awakeninig, propose une analyse de la situation politique du pays.

Le défi du mouvement pentecôtiste

Un autre facteur dans l'évolution du Nigéria est le phénomène des Eglises pentecôtistes. Le mouvement pentecôtiste a commencé à se développer dans les années quatre-vingts alors que le pays se désintégrait politiquement, économiquement et socialement. L'échec des institutions publiques renforça la religiosité naturelle des Nigérians. Le mouvement pentecôtiste exploita cette situation par une campagne sans retenue en faveur des miracles et par la prédication d'un "évangile de la prospérité". Son succès fut consolidé par des méthodes américaines de télé-évangélisme, une musique et des costumes à la dernière mode et le rejet véhément de la tradition africaine, des sacrements catholiques et de la vénération de la Vierge Marie. Le mouvement pentecôtiste séduisit de nombreux jeunes et adultes issus des Églises protestantes traditionnelles, des Eglises indépendantes africaines et aussi de l'Eglise catholique.

La tentation est grande de s'inspirer des méthodes du mouvement pentecôtiste pour le battre sur son propre terrain. C'est la voie qu'ont suivi avec succès de nombreux guérisseurs et prophètes catholiques avec le danger d'entraîner à la longue une cassure entre les catholiques et leur tradition. Le défi consiste à promouvoir le mystère des sacrements de l'Eglise dans une liturgie attirante tout en restant attentif aux besoins les plus humains de la population. Les dominicains ont relevé ce défi grâce à leurs liturgies, leur prédication et la popularité de leurs publications, en particulier le magazine estudiantin Decision don't cinq mille exemplaires sont diffusés chaque trimestre. Un autre réponse au mouvement pentecôtiste est l'ouvrage de Jude Mbukanma Is it in the Bible? Qui connaît un très grand succès.


1. Version revue et mise à jour d'un texte polygraphié de Joseph Kenny : The Dominicans in Nigeria 25 years, Chicago, décembre 1975, 61 p.

2. Sur l'histoire de la paroisse de Yaba, voir A house of worshipfor the Lord. A dedication book for the New St. Dominics Catholic Church, Yaba, Lagos, Si Dominic's Catholic Church, 1995, 145 p.

3. Chiffres de 1997.