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Textes philosophiquesBergson, le procs du machinisme.
Quand on fait le procs du machinisme, on nglige le grief essentiel. On l'accuse dabord de rduire l'ouvrier ltat de machine, ensuite d'aboutir une uniformit de production qui choque le sens artistique. Mais si la machine procure
l'ouvrier un plus grand nombre d'heures de repos, et si l'ouvrier emploie ce supplment de loisir autre chose qu'aux prtendus amusements qu'un industrialisme mal dirig a mis la porte de tous, il donnera son intelligence le dveloppement qu'il aura choisi,
au lieu de sen tenir celui que lui imposerait, dans des limites
restreintes, le retour (dailleurs impossible) loutil, aprs la
suppression de la machine. Pour ce qui est de l'uniformit du produit, l'inconvnient en serait ngligeable si l'conomie de temps et de travail, ralise ainsi par l'ensemble de la nation permettrait de pousser plus loin la culture intellectuelle et le dveloppement des vraies originalits.
On a reproch aux amricains d'avoir tous le mme chapeau. Mais la tte doit
passer avant le chapeau. Faites que je puisse meubler ma tte selon mon got
propre, et j'accepterai pour elle le chapeau de tout le monde. L n'est pas
notre grief contre le machinisme. Sans contester les services qu'il a
rendu aux hommes en dveloppant largement les moyens de satisfaire des
besoins rels, nous lui reprochons d'en avoir trop encourag d'artificiels,
d'avoir pouss au luxe, d'avoir favoriss les villes au dtriment des
campagnes, enfin d'avoir largi la distance et transform les rapports entre
le patron et l'ouvrier, entre le capital et le travail. Tous ces effets
pourraient d'ailleurs se corriger... Les deux Sources de la Morale et de la Religion, p.327.
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