Textes philosophiquesAlbert Camus beaut et rvolte"L'enfer n'a qu'un temps, la vie recommence un jour. L'histoire a peut tre une fin; notre tche pourtant n'est pas de la terminer, mais de la crer, l'image de ce que dsormais nous savons vrai. L'art, du moins, nous apprend que l'homme ne se rsume pas seulement l'histoire et qu'il trouve aussi une raison d'tre dans l'ordre de la nature. Le grand Pan, pour lui, n'est pas mort. Sa rvolte la plus instinctive, en mme temps qu'elle affirme al valeur, la dignit, commune tous, revendique obstinment, pour en assouvir sa faim d'unit, une part intacte du rel dont le nom est la beaut. on peut refuser toute l'histoire et s'accorder pourtant au monde des toiles et de la mer. Les rvolts qui veulent ignorer la nature et la beaut se condamnent exiler de l'histoire qu'ils veulent faire la dignit du travail et de l'tre. Tous les grands rformateurs essaient de btir dans l'histoire ce que Shakespeare, Cervants, Molire, Tolsto ont su crer: un monde toujours prt assouvir la faim de libert et de dignit qui est au coeur de chaque homme. La beaut, sans doute, ne fait pas les rvolutions. Mais un jour vient o les rvolutions ont besoin d'elle. Sa rgle qui conteste le rel en mme temps qu'elle lui donne sont unit est aussi celle de la rvolte. Peut-on, ternellement, refuser l'injustice sans cesser de saluer la nature de l'homme et la beaut du monde? Notre rponse st oui. Cette morale, en mme temps insoumise et fidle, est en tout cas la seule clairer le chemin d'une rvolution vraiment raliste. en maintenant la beaut, nous prparons ce jour de renaissance o la civilisation mettra au centre de sa rflexion, loin des principes formels et des valeurs dgrades de l'histoire, cette vertu vivante qui fonde la commune dignit du monde et de l'homme, et que nous avons maintenant dfinir en fade d'un monde qui l'insulte". L'homme rvolt, Folio, p. 344-345. Indications de lecture:
|