LE DEVIN DU VILLAGE.
(Note 1)


Le théâtre représente d'un côté la maison du Devin; de l'autre,
des arbres et des fontaines; et dans le fond, un hameau.


SCENE I.

Colette, soupirant, et s'essuyant les yeux de son tablier.


J'ai perdu tout mon bonheur;
J'ai perdu mon serviteur;
Colin me délaisse.

Hélas! il a pu changer!
Je voudrais n'y plus songer:
J'y songe sans cesse.

J'ai perdu mon serviteur;
J'ai perdu tout mon bonheur;
Colin me délaisse.

Il m'aimait autrefois, et ce fut mon malheur.
Mais quelle est donc celle qu'il me préfère?
Elle est donc bien charmante! Imprudente bergère!

Ne crains-tu point les maux que j'éprouve en ce jour?
Colin m'a pu changer; tu peux avoir ton tour.

Que me sert d'y rêver sans cesse?
Rien ne peut guérir mon amour,
Et tout augmente ma tristesse.

J'ai perdu mon serviteur;
J'ai perdu tout mon bonheur;
Colin me délaisse.

Je veux le haïr... je le dois...
Peut-être il m'aime encore... Pourquoi me fuir sans cesse?
Il me cherchait tant autrefois!

Le Devin du canton fait ici sa demeure;
Il sait tout; il saura le sort de mon amour:
Je le vois, et je veux m'éclaircir en ce jour.

NOTES

Note 1: Voyez sur cette pastorale beaucoup de détails et d'anecdotes, Histoire de J.-J. Rousseau, tome II, page 441.


Rousseau, Le Devin du Village

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