Textes philosophiquesSimone Weil droits et devoirsLa notion d'obligation prime celle de droit, qui lui est subordonne et relative. Un droit n'est pas efficace par lui-mme, mais seulement par l'obligation laquelle il correspond ; l'accomplissement effectif d'un droit provient non pas de celui qui le possde, mais des autres hommes qui se reconnaissent obligs quelque chose envers lui. L'obligation est efficace ds qu'elle est reconnue. Une obligation ne serait-elle reconnue par personne, elle ne perd rien de la plnitude de son tre. Un droit qui n'est reconnu par personne n'est pas grand-chose. Cela n'a pas de sens de dire que les hommes ont, d'une part des droits, d'autre part des devoirs. Ces mots n'expriment que des diffrences de point de vue. Leur relation est celle de l'objet et du sujet. Un homme, considr en lui-mme, a seulement des devoirs, parmi lesquels se trouvent certains devoirs envers lui-mme. Les autres, considrs de son point de vue, ont seulement des droits. Il a des droits son tour quand il est considr du point de vue des autres, qui se reconnaissent des obligations envers lui. Un homme qui serait seul dans l'univers n'aurait aucun droit, mais il aurait des obligations. La notion de droit, tant d'ordre objectif, n'est pas sparable de celles d'existence et de ralit. Elle apparat quand l'obligation descend dans le domaine des faits ; par suite elle enferme toujours dans une certaine mesure la considration des tats de fait et des situations particulires. Les droits apparaissent toujours comme lis certaines conditions. L'obligation seule peut tre inconditionne. Elle se place dans un domaine qui est au-dessus de toutes conditions, parce qu'il est au-dessus de ce monde. L'Enracinement, Gallimard point, p. 9-10. Indications de lecture :
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